OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [Infographie] 10 ans de Creative Commons http://owni.fr/2012/12/14/infographie%c2%a010-ans-de-creative-commons/ http://owni.fr/2012/12/14/infographie%c2%a010-ans-de-creative-commons/#comments Fri, 14 Dec 2012 17:30:44 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=127405 Des early adopters aux géants du web, Owni vous retrace en une infographie 10 ans d’histoire de Creative Commons : ou comment un pari que d’aucuns jugeait pascalien a été remporté haut la main : proposer une alternative légale assouplissant la propriété intellectuelle pour favoriser le partage à l’heure du numérique.

Depuis la publication du premier set de licences en décembre 2002, cette généreuse et utile idée a fait son chemin sur les cinq continents, dépassant son cœur initial de cible, la culture, pour s’appliquer à d’autres domaines comme la science ou l’éducation.

Des dix années d’archives que nous avons parcourues, nous avons bien sûr retenu les étapes incontournables qui ont eu une large répercussion médiatique. Elles témoignent de l’évolution interne de l’organisation lancée par le juriste Lawrence Lessig mais aussi de sa réception et de la façon dont le public, qu’il s’agisse du milieu artistique, politique, médiatique, scientifique, etc, s’est emparé de l’outil. Pour en arriver là : plus de 100 affiliations travaillant dans plus de 70 juridictions.et 500 millions de contenus sous CC en 2011.


Cliquez sur les items pour avoir plus d’informations.


Design de l’infographie : Cédric Audinot et Loguy
Code : Julien Kirch
OWNI fêtera les dix ans de partage avec les Creative Commons à la Gaîté Lyrique ce samedi 15 décembre à partir de 14h.

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Minority Report, c’est pour demain http://owni.fr/2012/12/11/minority-report-cest-pour-demain/ http://owni.fr/2012/12/11/minority-report-cest-pour-demain/#comments Tue, 11 Dec 2012 14:23:46 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=127048

Depuis quatre ans, les projets européens de recherche en matière de reconnaissance des comportements “suspects“ se multiplient. Parmi la centaine de projets du volet sécurité du FP7, le programme de recherche et développement de la Commission européenne, une demi-douzaine sortis tout droit d’un bouquin de science-fiction sont destinés à développer des technologies permettant de repérer un “comportement anormal“. Tout ceci se chiffre en dizaines de millions d’euros.

Ce concept de vidéosurveillance intelligente (VSI), qui rencontre un certain succès en France, a un seul objectif : prévenir les crimes et les attentats. Plan le plus connu, le projet INDECT. Les recherches sont financées à hauteur de 10,9 millions d’euros par la Commission européenne. Objectifs : détecter les comportements “suspects” sur Internet (forums, groupes Usenet, serveurs FTP, Peer-to-Peer) et dans la “vraie vie“, via la VSI.

INDECT

L’objectif de la VSI est de “simplifier les procédures de recherche et de contrôle“, dans le sens où les opérateurs de vidéosurveillance ne sont pas capables de surveiller plus d’une dizaine d’écrans à la fois. En facilitant leur travail, on pourrait “réduire le nombre d’erreurs“. Grâce à cette technologie en gestation, “Scotland Yard aurait pu retrouver deux fois plus rapidement” les coupables des attentats du métro de Londres en 2005, remarque Christoph Castex, de la direction générale Entreprises et Industries à la Commission européenne.

Parmi les 17 partenaires d’INDECT, l’université des Sciences et Technologies de Cracovie (AGH) et l’université polytechnique de Gdańsk conçoivent des algorithmes permettant de détecter des “situations dangereuses“. Des capteurs sonores permettent de détecter des appels à l’aide, des hurlements, des bris de vitre, des coups de feu, tandis que les caméras peuvent détecter une personne gisant sur le sol, ou un individu brandissant un couteau ou un revolver.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

De leur côté, les polices d’Irlande du Nord (PSNI) et de Pologne (MSWIA) testent les prototypes (collection d’algorithmes et de logiciels) et participent à l’élaboration d’une “compilation” de comportements suspects et de silhouettes, sur laquelle le système s’appuie pour détecter un mouvement “anormal“, défini comme un “comportement criminel“, ou comme un “comportement lié à un acte terroriste ou une activité criminelle grave (meurtre, braquage de banque) “. INDECT s’achèvera fin 2013.

Un « répertoire » de comportements suspects

Dans le même état d’esprit, le projet ADABTS a pour objectif de développer des modèles-types de “comportements suspects”. L’enveloppe de l’Union européenne est de 3,2 millions d’euros. Une fois finalisée, la technologie d’ADABTS devrait permettre d’analyser la voix d’un individu, sa démarche et ses mouvements. Elle permettra aussi de compter le nombre d’individus présents, par exemple lors d’une manifestation.

Parmi les partenaires de ce projet censé se terminer en août 2013, on compte l’Institut de psychologie du ministère de l’intérieur bulgare (IPMI), expert en criminologie, le ministère de l’intérieur britannique et le groupe d’armement BAE Systems, fournisseur principal du ministère de la défense britannique. ADABTS compte aussi dans ses rangs l’agence de recherche de la défense suédoise (FOI), récemment au coeur d’un projet controversé de vente d’armes à l’Arabie Saoudite.

Aux commandes des recherches scientifiques, l’université d’Amsterdam. L’équipe du professeur Dariu Gavrila, qui planchait déjà entre 2005 et 2009 sur un système de détection des comportements agressifs, met au point une batterie d’algorithmes basés sur des modèles statistiques. Concrètement, les silhouettes en mouvement sont isolées du reste de l’image après une opération de “soustraction” de l’arrière-plan. Ensuite, la silhouette se voit superposée un squelette 3D. Ses mouvements sont comparés à un “répertoire de gestes“. En analysant également les sons, comme le timbre de la voix ou son intensité, un comportement peut être analysé.

Afin de définir un comportement “anormal”, Dariu Gavrila a concocté, avec l’aide “d’experts” une base de données de comportements. Elle consiste en une liste d’actions, qui combinées forment un scénario :

Un “cri puissant” combiné avec “des poings brandis” et une “personne chutant” constitue un scénario permettant de prédire une agression. Des “gesticulations excessives” et des “regards alentour permanents” peuvent indiquer un comportement nerveux, qui, conjugué avec “porter des lunettes de soleil ou une capuche par un temps inapproprié” peut signifier un vol ou un scénario terroriste.

Les scénarios d’ADABTS vont de l’”agression” à l’”acte terroriste” en passant par la “bagarre à grande échelle”, le “vol” et la “foule paniquée”. En juin 2012, des acteurs ont simulé ces scénarios au Kyocera Stadion, le stade de football de La Haye. Parmi ces mouvements ou ces sons pouvant indiquer un “comportement anormal”, des cris, des hurlements, des moulinets avec les bras, des gestes de la main.

Dans la liste figure aussi le port d’une capuche, le fait pour un groupe de marcher dans le sens opposé à la foule, le fait pour un individu de marcher à une vitesse différente des autres, ou encore le fait de rester debout quand la majorité des personnes est assise. Un spectateur ne regardant pas le match de foot ou regardant autour de lui peut aussi être considéré comme suspect.

ADABTS

Comment différencier un comportement normal d’un comportement anormal, quand les mouvements ne parlent pas ? Comment faire la différence entre un couple s’embrassant et une agression ? Interrogé par Owni, Dariu Gavrila insiste sur l’importance de la vérification humaine :

Le système peut très bien détecter une personne nouant ses laçets dans un magasin ou prenant des photos dans un hall d’aéroport, et considérer cela comme un comportement “anormal”. En réalité, le système ne sait pas s’il s’agit d’un comportement indésirable. Il détecte simplement un comportement qui s’écarte des comportements normaux que nous lui avons appris.

Terminé en 2011, le projet SAMURAI a coûté 3,8 millions d’euros, dont 2,5 millions en provenance de l’Union européenne. SAMURAI utilisait lui aussi une liste de comportements “anormaux“, par exemple un individu semblant tenter de cacher son visage, ou une personne marchant contre le “flot régulier” d’une foule. Des algorithmes permettent au futur système de retenir les comportements “habituels” des individus, par exemple le trajet emprunté par des voyageurs au moment de s’enregistrer à l’aéroport. D’autres permettent de détecter un visage et de se focaliser dessus.

Les mouvements que sont une poignée de main, un baiser, un coup de fil ou le fait de s’asseoir sont aussi analysés. Les algorithmes ont été développés par les universités de Queen Mary (Londres) et de Vérone, mais aussi par la société Selex Elsag. Une filiale du groupe italien Finmecannica, connue depuis cet été pour avoir vendu à la Syrie un système de transmission de données.

Très proche de SAMURAI et également terminé depuis 2011, le projet SUBITO devait quant à lui permettre d’identifier un bagage abandonné, de retrouver son propriétaire, et de le suivre à la trace de caméra en caméra. Pour cela, il utilise des algorithmes de détection et de traçage développés par l’université de Leeds, l’Institut de recherche du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Saclay et l’Office national d’études et recherches aérospatiales (Onera) de Châtillon.

Les comportements suspects sont détectés à une moindre échelle : ici, il ne s’agit que des propriétaires de bagages. Si un voyageur distrait oublie son sac et reste loin de celui-ci trop longtemps, il pourra être considéré comme suspect. Pour l’instant, les technologies développées par SAMURAI et SUBITO n’ont pas encore été intégrées à un système opérationnel, et sont susceptibles d’être à nouveau l’objet de recherches.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Une technologie pas encore mature

Les chercheurs en VSI sont unanimes : pour l’instant, la détection n’est efficace que lorsqu’il s’agit de “scènes simples“. Les partenaires d’ADABTS espèrent pouvoir à terme commercialiser un produit fini utilisant un matériel “low cost”, et le proposer aux autorités européennes, aux forces de police et aux sociétés de services de sécurité. Un enthousiasme que ne partage pas Dariu Gavrila :

Pour l’instant, la détection automatique comportementale n’en est qu’à ses débuts. Nous avons fait de très grands progrès, mais nous sommes encore loin d’un système intelligent capable de détecter automatiquement des comportements anormaux. Il est facile de détecter un comportement visible comme une bagarre, mais quand il s’agit d’un “comportement camouflé”, c’est une autre paire de manche !

Même constat en ce qui concerne le “vidéo tracking”, ou “pistage” d’une personne de caméra en caméra :

Pour l’instant, nous sommes capables de détecter un individu quand il y a peu de monde et quand le fond est statique, mais quand il y a foule et que les gens interagissent entre eux, la situation est bien plus complexe.

Pour les chercheurs, malgré l’avancée des recherches, il faudra attendre encore cinq ou six ans avant de voir apparaître une caméra véritablement “intelligente”.

“L’effet Big Brother”

Quid des questions éthiques ? À l’université de Kingston, des chercheurs planchent sur le projet ADDPRIV. Quand un comportement suspect est détecté, le système imaginé collecterait les vidéos précédant et suivant la détection, afin de pouvoir suivre à la trace la personne suspectée. Financé à hauteur de 2,8 millions d’euros par la Commission européenne, ADDPRIV veut assurer un “juste milieu” entre “sécurité et protection de la vie privée“. L’idée est de ne garder que les images et les sons “pertinents“, ayant trait à un évènement suspect, grâce à des algorithmes de “tri” des données.

Pour Daniel Neyland, de l’université de Lancaster et membre du bureau éthique d’ADDPRIV, les expériences menées, “avec l’autorisation des personnes filmées et en vase clos” sont “l’occasion de tester la façon dont nous pourrions renforcer à la fois la sécurité et la vie privée”. Pour cela, les données pourraient notamment être “anonymisées” grâce au “hachage” et au chiffrage des images stockées, et à une application conçue pour flouter les visages. Cela suffit à transporter de joie les concepteurs du projet :

Grâce à sa technologie de surveillance ciblée, ADDPRIV permettra une meilleure acceptation sociale de la vidéosurveillance en réduisant l’effet Big Brother, notamment en collectant le minimum de données possible.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Concernant le projet ADABTS, l’un de ses coordinateurs à l’agence de recherche de la défense suédoise (FOI), Henrik Allberg, affirme à Owni :

ADABTS n’identifie personne, il détecte des corps, une représentation de ce qui se passe. La reconnaissance de comportements couvre une zone restreinte, et se centre sur une activité nocive potentielle, indépendamment de l’identité d’une personne ou de son histoire.

Pour Dariu Gavrila, la détection automatique est même plus “objective” que l’oeil humain :

L’opérateur humain est plus subjectif, il a tendance à classer les individus observés dans des catégories, selon leur âge ou leur apparence, par exemple. Un système intelligent automatisé demeurera bien plus objectif et moins discriminant.

À la Commission européenne, Christoph Castex affirme de son côté que les différents projets respectent un “code de déontologie“, ainsi que les législations nationales et internationales en vigueur, comme la Charte des droits fondamentaux de l’UE et la Convention européenne des droits de l’homme. Pour Castex, une fois la technologie arrivée à maturité, la balle sera dans le camp des États :

Le prototype est destiné aux forces de police des pays européens, et elles seront obligées de se conformer aux lois existantes. Tout système basé sur INDECT sera forcé de respecter les données privées.

Tout comme ADABTS, le projet INDECT possède un “bureau éthique” indépendant, composé d’experts de la protection des données, d’universitaires et de membres de la police nord-irlandaise. Ce bureau est chargé de surveiller les outils développés et d’évaluer leur respect de la vie privée. À noter que si ce bureau diffuse l’ensemble des documents ayant trait à INDECT sur le site du projet, cette transparence est surtout due à la pression exercée par 177 députés européens, en 2010. À l’origine, le bureau éthique avait ainsi décidé de “garder confidentielles les informations susceptibles d’avoir un effet négatif sur la réputation du projet” , selon le Parlement européen.

Aujourd’hui, Christoph Castex constate que “INDECT a retenu la leçon”, après avoir été la cible de nombreuses critiques, notamment de la part des Anonymous. “Tous nos projets se posent des questions éthiques“, affirme-t-il. Un projet de recherche a même pour but de “réfléchir aux limites de ce que la société peut accepter” : le projet DETECTER.

Selon différents membres des “groupes éthiques” rattachés aux projets de VSI, des conseils devraient être adressés aux “futurs utilisateurs” des technologies développées. Parmi ces conseils, la minimisation des données, c’est-à-dire l’utilisation du minimum de données personnelles possible et le floutage des visages, qui rendrait impossible tout “profilage“.

Reste à espérer que ces conseils seront pris en compte. Car si l’on en croit Rosamunde Van Brakel, chercheuse spécialisée dans les relations entre vidéosurveillance et société au Law Science Technology & Society (LSTS) de l’Université libre de Bruxelles, interrogée par Owni, ces technologies nous emmènent tout droit vers une société de type “Pré-crime” :

Le risque d’erreurs et de fausses accusations est élevé. Cela peut mener à une culture de la peur, à une société où le principe de présomption d’innocence serait perdu au profit de la méfiance généralisée. Certains “indicateurs de méfiance” pourraient être basés sur des hypothèses erronées et sur des préjugés. Dans ce cas, cela pourrait conduire à une catégorisation sociale et à une “discrimination algorithmique”.

Et de conclure : “Si le contrôle de ces technologies n’est pas béton, alors il faudra s’inquiéter, notamment de ce qui arriverait si elles étaient détournées de leur objectif initial.


Photo par surian Soosay (cc-by)

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Google alerte ses utilisateurs espionnés http://owni.fr/2012/10/03/google-alert-ses-utilisateurs-espionnes/ http://owni.fr/2012/10/03/google-alert-ses-utilisateurs-espionnes/#comments Wed, 03 Oct 2012 17:41:24 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=121549

“Gmail m’annonce que des attaques menées par des États tenteraient de s’infiltrer dans mon compte ou mon ordinateur.” C’est la mauvaise surprise qu’ont constatée hier Noah Schactman, journaliste pour le blog Danger Room de Wired, et un expert en antiterrorisme Daveed Gartenstein-Ross du think-tank américain Foundation for Defense of Democracies, avant de la partager sur Twitter.

Contacté par Owni, Daveed Gartenstein-Ross indique sur Twitter ne pas en savoir davantage : “Gmail a simplement fait une alerte, ainsi que des suggestions pour protéger son compte.”

Selon nos informations, plusieurs milliers de personnes seraient concernées par cette alerte pointant vers des tentatives d’intrusions principalement en provenance d’États du Moyen-Orient. Sur ce point, Daveed Gartenstein-Ross nous informe que Google ne lui a donné aucune précision sur l’origine de l’attaque :

Je soupçonne un gouvernement du Moyen-Orient, étant donné que mes recherches couvrent la région. Mais ça peut aussi être la Chine, ou la Russie, ou tout autre gouvernement cherchant à apprendre plus d’info via le hacking.

Mise en place par Google en juin dernier, cette procédure d’alerte prend la forme d’une bannière rouge s’affichant au-dessus de la boîte de réception et consiste à informer les utilisateurs de Gmail de tentatives d’accès à leurs comptes, qui “suggèrent fortement l’implication d’Etats ou de groupes soutenus par des Etats.” Elles prendraient la forme de phishing, de mails demandant des informations à l’utilisateur en se faisant passer pour certains prestataires de service, ou de malware, de messages comportant des logiciels malveillants en lien ou en pièce jointe.

Difficile en revanche d’en savoir davantage sur le mécanisme d’identification mis en œuvre par Google, qui écrivait en juin sur son blog :

Vous vous demandez certainement comment nous parvenons à savoir que cette activité est menée par un État. Nous ne pouvons pas rentrer dans les détails sans donner des informations susceptibles d’être utiles à ces acteurs malveillants, mais notre analyse détaillée -ainsi que les témoignages de victimes- suggère fortement une implication d’États ou de groupes soutenus par des États.

En 2010, suite à une série d’attaques en provenance de la Chine, connue sous le nom “opération Aurora” Google avait entériné un rapprochement avec la NSA, l’agence de surveillance des télécommunications américain, visant à “une meilleure protection du propriétaire du moteur de recherche et de ses utilisateurs”, expliquait alors Le Monde. Une proximité qui pousse certains commentateurs à s’interroger sur la nature des alertes de Google mises en place en juin dernier : oseraient-ils dénoncer des actions américaines ?

De son côté, le géant de Moutain View déclare sur son blog qu’il est de son “devoir d’être pro-actif en avertissant ses utilisateurs en cas d’attaques ou de potentielles attaques afin qu’ils puissent faire le
nécessaire pour protéger leur information.”
Il y a 15 jours, il faisait l’acquisition de l’antivirus en ligne Virustotal, afin de renforcer la “sécurité en ligne” de ses utilisateurs.

Contacté, Google France n’a pour le moment pas réagi.

Mise à jour : suite à notre demande, Google nous a fait parvenir le communiqué d’un porte-parole du groupe : “Google travaille dur chaque jour pour aider nos utilisateurs à protéger leurs informations. C’est pourquoi nous avons développé cette alerte pour compléter nos systèmes de sécurité des comptes. Nous espérons que ces messages bien visibles encourageront les utilisateurs concernés de prendre des mesures pour renforcer la sécurité de leurs comptes et leurs ordinateurs.”


Photo par John Biehler (CC-by-nc-sa) remixée par Ophelia Noor

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Objectif électeurs #2 http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Sun, 15 Apr 2012 12:37:47 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106053 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. – Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait ou en fonction des contraintes du projet (respect de la parité, diversité et thèmes et des catégories socio-professionnelles). Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Le deuxième volet de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) part à la rencontre de Fabienne, enseignante à ESMOD et déçue du sarkozysme, par le photographe Benjamin Leterrier. Et de Delphine, jeune diplômée à la recherche d’un emploi, par la photographe Karin Crona. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Karin Crona : le chômage

Delphine au Secours catholique. Elle y est bénévole sur son temps libre. ©Karin Crona/21voixpour2012

Karin Crona, a rencontré Delphine à un moment de ras le bol dans sa recherche d’emploi. Elle enchaînait les stages sans jamais trouver de CDD ou de CDI depuis plus d’un an. “Ce qui m’a frappé c’est sa volonté de ne pas rester inactive, de ne pas baisser les bras. Elle attendait une réponse pour un CDD quand je l’ai rencontrée mais elle était prête à reprendre un stage si cela ne marchait pas” raconte Karin.

Delphine donne du temps au Secours catholique, franchit de portes et enchaîne les entretiens. Karin ajoute,“au début de sa vie professionnelle, on a envie de s’investir et on ne s’attend pas à la commencer avec du chômage ou des stages à n’en plus finir. J’espérais pouvoir montrer ce cheminement, dans la recherche d’un emploi”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un si long chemin…

Delphine habite un immeuble élégant dans le 17eme arrondissement de Paris. Je l’ai vu deux fois chez elle. Pour accéder à sa chambre de bonne, il faut franchir beaucoup de portes, traverser la cour de l’immeuble jusqu’au fond, prendre les escaliers de service jusqu’au 7ème étage à pied et longer des couloirs. Ces escaliers sont étroits et vides. On se sent seul dans l’ascension, sans présence de voisins, avec sonnettes et paillassons. Pour moi, tout ce trajet était devenu symbolique du chemin qu’elle a du parcourir pour trouver du travail.

Delphine, jeune diplômée à la recherche d'un emploi par ©Karin Crona/21 voix pour 2012

Au départ, je voulais faire une séquence de stop motion où elle marche dans ce long couloir. Je lui ai demandé de se placer, et j’ai fait les photos. J’aimais bien cette lumière qui sortait derrière elle, au bout de ce long tunnel. Ce n’est qu’au moment du montage, que cette photo ma frappée, avec toute la symbolique qui s’en dégageait. Je trouvais qu’elle sortait du lot, qu’elle cristallisait son histoire et je l’ai gardée telle quelle.

Benjamin Leterrier : éducation et emploi

“Notre démarche sur le projet 21 voix pour 2012 était de respecter entre autres choses, la parité. À un moment donné, nous avions 5 femmes représentée pour 16 hommes. C’est cette contrainte qui m’a fait découvrir l’univers de la mode et m’intéresser de plus près aux enjeux de l’éducation et de l’emploi des jeunes,” raconte Benjamin Leterrier. Il rencontre Fabienne, professeur de stylisme à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD).

Les élèves de l'école ESMOD au travail © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Déçue des promesses faites par le gouvernement Sarkozy, c’est son rapport avec ses élèves, son inquiétude et son sens de la responsabilité face à leur avenir qui a frappé Benjamin Leterrier. “On voit qu’elle est proche d’eux, qu’elle se sent responsable, et en opposition, elle ressent très fortement l’éloignement des hommes politiques des citoyens.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Transmission

C’était en fin d’après-midi. Les élèves ont tous un projet personnel de collection de vêtements à réaliser sur plusieurs mois. Ce jour là, ils passaient voir Fabienne avec leurs ébauches. ESMOD accueille beaucoup d’élèves des pays asiatiques et Fabienne donne aussi ses cours en anglais. Son parcours personnel est intéressant car elle a étudié dans cette même école, puis a travaillé dix ans en Chine dans une usine de textile avant de revenir travailler ici.

Fabienne et son élève © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Toutes les deux étaient très concentrées comme dans une bulle. Autour d’elles il y avait plusieurs élèves dans une grande salle. Je me suis placé comme une petite souris derrières elles. C’est ce moment de proximité, de transmission et d’attention que je voulais capter.


Photographies par Karin Crona © etBenjamin Leterrier © tous droits réservés

OWNI s’associe à au projet 21 voix pour 2012 avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias. Inscrivez-vous !

Les photojournalistes :

Karin Crona a 43 ans et vit en France depuis 12 ans. Graphiste de métier, dans l’édition et dans la presse, elle décide de faire de la photographie son métier principal depuis 5 ans. C’est le partage de ses clichés sur internet qui la pousse à se lancer. Elle traite des thèmes sociaux, liés à l’éducation, la précarité et l’exclusion.

Benjamin Leterrier a 38 ans. Biologiste et journaliste de formation, il découvre la photographie en 2001 lorsqu’il part s’installer à la Réunion. Il commencera à collaborer avec la revue du CNRS en avril 2012.

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Telecomix crée la mémoire vive des révolutions http://owni.fr/2011/12/30/telecomix-cree-la-memoire-vive-des-revolutions/ http://owni.fr/2011/12/30/telecomix-cree-la-memoire-vive-des-revolutions/#comments Fri, 30 Dec 2011 14:23:14 +0000 Julie Gommes http://owni.fr/?p=91986

Les observateurs de la ligue arabe n’ont rien vu à Homs, épicentre la contestation en Syrie. C’est du moins ce que critiquent la France et des organisations de défense des droits humains. Arrivés lundi pour rendre compte de la situation sur place, ils ne sont restés que quelques heures à Homs pendant la journée de mercredi, la plupart du temps sous les yeux et l’encadrement attentifs de responsables syriens.

Bientôt, les internautes pourraient devenir des observateurs, grâce à un portail de vidéos créé par le collectif de hackers, Telecomix. Le groupe d’hacktivistes a déjà à son actif un coup de main à la révolution tunisienne et le rétablissement des communications et d’Internet en Egypte au plus fort de la répression. A Berlin pour le 28e Chaos Computer Congress , qui rassemble bidouilleurs et autres experts en sécurité informatique, plusieurs hacktivistes du collectif ont annoncé la création du portail. Parmi eux, le jeune blondinet KheOps, qui n’hésite pas à parler à visage découvert sur les télévisions françaises :

Maintenant, on essaie de regrouper les vidéos qui sortent en les classant par lieu et date, de manière à ce que des journalistes fassent du recoupement pour savoir ce qu’il s’est passé dans la même ville sur plusieurs semaines, mois…

L’idée est de recréer une mémoire vidéo de cette révolution syrienne, mémoire déjà développée en anglais et en arabe, via un site de news from the ground mis à jour en temps réel par des agents Telecomix et des Syriens qui participent au projet. KheOps est l’un des fondateurs de l’opération Syria. OpSyria, qui dure à présent depuis plus de six mois, est loin de s’enfoncer dans un rythme de routine : “Même si on a moins fait de choses spectaculaires, maintenant, il faut entretenir et créer de nouvelles choses techniques en permanence.”

Court-circuiter les espions

Des innovations qui permettent aux Syriens, chaque jour, de se connecter de manière plus sécurisée, comme l’explique KheOps :

Par exemple avec le point de sortie VPN. Il s’agit d’avoir un serveur avec une connexion correcte situé dans un pays qui ne soit pas la Syrie ou un pays ami de la Syrie, de sorte que les espions syriens n’y aient pas accès.

Grâce à ce travail quotidien, les utilisateurs syriens peuvent se connecter sur ce serveur, ce qui lui permet ensuite d’utiliser Internet sans que les services de sécurité ne s’en aperçoivent.

Quelques semaines après le début de la révolution Syrienne, les hackers de Telecomix avaient choisi de détourner les réseaux locaux pour permettre aux Syriens de faire sortir des images et des informations du pays, mais aussi d’apprendre quelques règles simples de sécurité et d’anonymat sur Internet. L’énorme prouesse technique permet aujourd’hui à des hacktivistes syriens de contourner la censure.

Infrastructure technologique

Okhin, un des Français de l’opération rappelle que les moyens du collectifs restent limités et qu’en aucun cas, ils ne remplacent les révolutionnaires :

On essaie de trouver de nouvelles façons d’aider les Syriens, de trouver de nouvelles façons de récupérer des nouvelles sur le terrain, on essaie de faire tout ce qu’on fait jusqu’à présent. On a eu juste à fournir une infrastructure technologique.

Kazakhstan, Russie, Cuba, les dictatures et les projets ne manquent pas : “On est volontaires, on fait ça sur notre temps libre, on ne peut pas sauver le monde” précise Okhin. Et de rappeler la conférence de la veille : “J’ai appris qu’en Turquie, ils commencent à s’organiser eux-mêmes, pas forcément à demander l’aide de Telecomix, mis à part un soutien technique. Pour changer les choses, ils doivent développer leurs propres clusters. »

Le collectif Telecomix regroupe des hacktivistes de différentes nationalités qui vivent parfois sur des fuseaux horaires totalement différents. C’est le cas de l’imposant Américain qui se fait appeler Punkbob. Il commence de son côté, avec d’autres, à travailler sur le Kazakhstan :

L’Internet n’y est pas libre, ils ne peuvent pas se connecter aux sites qu’ils veulent. On a aussi un regard sur la Russie…


Illustrations via FlickR [cc-byncsa] Ophelia Noor

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Les jeux vidéo profilent leurs utilisateurs http://owni.fr/2011/12/28/les-jeux-videos-profilent-leurs-joueurs/ http://owni.fr/2011/12/28/les-jeux-videos-profilent-leurs-joueurs/#comments Wed, 28 Dec 2011 14:20:45 +0000 Benoit Le Corre http://owni.fr/?p=91704 Le salon Game Connection Europe, organisé du 6 au 8 décembre derniers à Paris, réservait une étonnante surprise aux visiteurs attentifs. Les fabricants de jeux vidéo demandent à leurs équipes de développer une nouvelle fonction : le profilage des joueurs. Stéphane Natkin, membre du Conseil national des arts et métiers, aussi directeur de l’école de jeux vidéo ENJMIN, lui attribuait alors trois compétences :

Les profileurs seraient capables d’analyser des données chiffrées en grand nombre, de comprendre la psychologie d’un joueur selon sa manière de jouer et d’avoir des compétences en développement.

De stand en stand, éditeurs et développeurs partageaient leur propre vision du profilage. En les écoutant, il apparaît que ce métier n’existait pas encore. Personne n’assume “seule” ces trois compétences au sein d’une même entreprise, à la connaissance de Stephane Natkin. Il s’agit encore d’un travail d’équipe.

Des jeux truffés de mouchards

Même sans être fructueuse, la recherche de profileurs permet de découvrir que les concepteurs de jeux sur mobile et réseaux sociaux accumulent des données sur leurs joueurs. Ils sont au courant de leurs moindres faits et gestes, comme témoigne Thomas Nicolet du studio Bulkypix :

Imaginez que vous soyez bloqué(e) au niveau sept. Vous en avez marre et vous quittez le jeu. Ils savent désormais que vous n’avez pas réussi à finir la partie, quelles ont été vos dernières actions avant de sortir du programme.

Pour cela, ils utilisent des sortes de balises, aussi appelées tokens, à l’intérieur même de leurs produits. Celles-ci fonctionnent comme des interrupteurs. Dès que le joueur interagit avec, en cliquant dessus ou en y posant un doigt lors d’une partie, la balise s’active. L’information est renvoyée aux concepteurs. En fonction de leur place attribuée lors de la programmation, les balises peuvent retracer une partie entière.

Selon Thomas Nicolet, les données sont récoltées dans l’intérêt du joueur :

Si d’autres personnes sont dans le même cas que vous, les développeurs peuvent décider de modifier le niveau sept en conséquence. En l’occurrence, faciliter la progression.

Ces données sont surtout un nouvel atout pour les éditeurs. Par exemple, si un jeu dispose d’une plateforme d’achats peu fréquentée par les joueurs, le concepteur peut la déplacer afin d’en améliorer la visibilité. Il lui faudra ensuite mettre à jour son produit ou sortir une nouvelle version.

Gilles Bellefontaine, fondateur et PDG d’une maison d’édition française spécialisée dans les jeux sur smartphone, Chugulu, a eu recours à cette pratique. Dernièrement, ses équipes ont développé Blind test, un jeu disponible sur mobile et Internet consistant à trouver l’interprète d’une chanson. En analysant les informations renvoyées par les balises, il a découvert une information surprenante. Les joueurs s’attardent davantage sur le mode “solitaire” du jeu alors que le développement privilégiait l’expérience multi-joueurs.

Les chiffres nous ont appris que 60 % des personnes jouaient en solo, alors qu’on en prévoyait pas plus de 40 %. On a tiré une vérité de ces statistiques, qui va être appliquée dans la prochaine version du jeu. On va pousser l’expérience multi-joueurs en intégrant une expérience sociale.

Emmanuel Guardiola rédige une thèse à Paris 8, en partenariat avec le CNAM, sur le profil psychologique des joueurs. Dans le cadre de ses recherches, il a été témoin de l’utilisation de ces outils.

Autrefois, les jeux c’était plus simple. On le produisait, on le mettait dans un bac, on l’achetait, ou pas. Maintenant, le développement se fait aussi une fois le jeu lancé. Ainsi, dès que le joueur fait un type d’action, on traque son comportement. Vous décidez de vous rendre chez un autre joueur sur un jeu Facebook ? Votre action est traquée !

Nouveau pain béni des éditeurs

Des pratiques totalement assumées par les développeurs, à l’image de Gilles Bellefontaine avouant devant OWNI faire “du pur tracking”. Force est de constater qu’il n’est pas le seul en France. De plus en plus de studios français franchissent le pas.

Le studio Humano Games a récemment sorti un jeu intitulé Happy Life, une sorte de Sims social. Le jeu, développé à 25 %, est déjà accessible sur Facebook. Pour l’instant, le seul retour sur expérience s’opère via les forums ou l’espace de commentaires. Stéphane Buthaud, à l’origine du projet, n’exclut pas d’y planter des balises :

On pourra connaître le temps d’une partie, puis de la deuxième, de la troisième. Comprendre afin d’y aller progressivement.

Aujourd’hui, pour satisfaire cette nouvelle demande, de jeunes sociétés ont décidé d’en faire leurs fonds de commerce. Chugulu a eu recours à une start-up américaine, Flurry, qui met “des outils analytiques” à disposition des développeurs. Charge à ces derniers de les placer aux endroits stratégiques : à la fin d’un niveau, à l’entrée d’une boutique en ligne, ou sur certains boutons interactifs. Il s’agit de ne pas placer des balises inutilement, afin d’éviter d’avoir une masse d’informations trop importante à analyser. Une centaine de balises peuvent ainsi être installées à l’intérieur d’un seul produit. Lesquelles envoient des milliers d’informations aux sociétés prestataires.

La France dispose des siennes, à l’image de Capptain, service de l’entreprise Ubikod. Contactée à plusieurs reprises par OWNI, elle n’a souhaité ni “montrer” ni “communiquer” sur ses activités. Laissant planer le flou autour des outils / méthodes qu’elle utilise et des clients qu’elle satisfait.

Décliner son identité

Sur Facebook et autres réseaux sociaux, en plus de pouvoir “tracker” votre comportement en jeu, les éditeurs ont accès aux données personnelles. En acceptant les conditions d’utilisation lors de l’installation d’un jeu, l’internaute s’engage à fournir au concepteur “son nom, sa photo de profil, ses réseaux, son identifiant, sa liste d’amis” et toutes autres “informations rendues publiques”. Un développeur de Chugulu lâche :

On peut avoir tout ce qu’on veut tant qu’on demande l’autorisation à Facebook.

Le champ des ouvertures devient immense. En vue d’affiner leurs analyses, les développeurs pourraient alors combiner l’identité virtuelle d’un internaute et son expérience de jeu. Au bout, ils seraient en mesure de dresser le profil psychologique du joueur, en échos à la définition chère à Stéphane Natkin : “comprendre la psychologie d’un joueur”.


Illustrations via FlickR [cc-by] KitKatherine,[cc-bync] tarale [cc-by] Vacacion

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Un sage refus des images http://owni.fr/2011/12/21/devenir-sage-en-refusant-les-images/ http://owni.fr/2011/12/21/devenir-sage-en-refusant-les-images/#comments Wed, 21 Dec 2011 15:28:06 +0000 Jean-Paul Jouary http://owni.fr/?p=91486

Citation : « Le spectacle est l’affirmation de toute vie humaine comme simple apparence » – Guy Debord.

La campagne présidentielle en cours, par delà les débats réels et les péripéties dérisoires, nous pose bien d’autres questions d’ordre philosophique que celles que j’ai précédemment tenté de cerner : spatialisation verticale ou horizontale du politique, celle de sa temporalité propre, celle de la production du futur par le biais de sa représentation, celle des rapports entre démocratie et élection au suffrage universel, celle des contradictions possibles entre l’économie et la circulation monétaire. En fait, ces cinq questions en posent une autre, essentielle elle aussi : ces cinq facteurs de domination, dont on a vu qu’ils conduisaient à un façonnage du réel par l’irréel, posent en termes neufs le rapport des citoyens à leur propre vie.

Comment en a-t-on pu venir à ce que nous constatons aujourd’hui : des peuples entiers qui, las de leurs souffrances réelles, ne cherchent que dans le spectacle de personnes médiatisées l’espérance d’une vie meilleure ? Bien sûr des luttes se développent aussi, et avec elles de multiples formes de pratiques sociales émancipatrices. Bien sûr aussi, des mobilisations d’un type nouveau et prometteur manifestent une volonté nouvelle de quelques-uns de se réapproprier la politique sans s’abandonner à la médiation d’institutions étatiques et d’organisations politiques qui y adaptent toute leur stratégie. Mais comment nier que ce sont là soit des restes de pratiques anciennes et déclinantes, soit les prémisses de nouveautés à venir ? Le présent est là, pesant, qui enferme l’imaginaire – donc le réel – dans des représentations qui non seulement sont sans rapport avec la vie, mais de plus contribuent fortement à en déposséder les humains.

Théatralisation de rencontres internationales, mise en scène d’interventions télévisées solennelles, fausse simplicité des « campagnes de terrain » scénarisées avec soin, extraordinaire mobilisation médiatique sans lendemains effectifs à l’occasion des faits divers sanglants et douloureux, fausses indiscrétions sur la vie intime : on comprend qu’une bonne moitié des hommes politiques de premier plan finissent par partager leur vie avec des journalistes ou des mannequins, et qu’une bonne partie des people médiatisés jouent un rôle actif dans les campagnes électorales. Si la sphère du travail est contrainte et que les loisirs sont massivement organisés comme une forme, imposée de fait, d’oubli de la vie, c’est toute la vie sociale qui devient spectacle.

Entre ce qui se passe réellement sans qu’on le fasse apparaître, et ce que l’on fait apparaître sans que cela ait besoin d’existence effective, il n’y a rien moins que la transformation de la vie humaine en abandon, délégation, extériorisation. Tout est devenu divertissement et distraction, c’est-à-dire regard tiré de côté, hors de sa propre vie. Le système social qui soumet tout à la finance n’a pas ce spectacle généralisé comme complément : le spectacle en fait partie, comme dimension plaisante d’une domination impitoyable. Lors des émeutes de Los Angeles de la fin du siècle dernier, les noirs miséreux qui ont déferlé violemment n’ont guère pillé les magasins de nourriture et n’ont pas exigé la fin du système qui les opprimait : ils ont avant tout volé des téléviseurs et des magnétoscopes, formes ludiques et virtuelles de leur soumission réelle.

Comme le voyait déjà Guy Debord en 1967, « le spectacle soumet les hommes vivants dans la mesure où l’économie les a totalement soumis », si bien qu’après avoir dégradé notre être en « avoir », cet «avoir » lui-même s’est dégradé en « paraître ». Toute la vie politique est désormais régie par cette logique de dégradation, à l’unisson des programmes de télévision de grande écoute, des « unes » des principaux journaux, des écrivains adulés et même de quelques philosophes trop occupés à leur propre promotion médiatique pour avoir encore le temps de lire et de penser. Jamais on n’aura autant fait circuler les images des sportifs, des chanteurs, des grands de ce monde, substituant les réussites sublimées par procuration, aux possibilités d’agir pour s’émanciper. Regardons autour de nous : jusqu’au cœur des foules pressées dans le métro, chacun peine à se décoller d’une musique dans les oreilles, d’un téléphone devant la bouche et de jeux au bout des doigts. Les mêmes techniques qui décuplent nos possibilités de communiquer entre nous nous isolent comme jamais en formant d’immenses « foules solitaires ».

Si le système social a besoin que les citoyens troquent leur vie contre des rêves, « le spectacle est le gardien de ce sommeil », ajoutait Guy Debord, qui dénonçait déjà « l’interminable série d’affrontements dérisoires mobilisant un intérêt sous-ludique, du sport de compétition aux élections ». Contempler au lieu de vivre, rêver d’avoir au lieu d’être, réussir à être vu au lieu d’agir, dépendre des images extérieures à soi au lieu d’en créer et d’en partager. La campagne présidentielle en cours est de façon dominante conduite selon cette logique exacerbée du pur spectacle, et l’on comprend qu’en France comme ailleurs on s’effraie des formes naissantes de mobilisation hors de cette logique, en ce qu’elles manifestent la possibilité pour les citoyens de se réapproprier leur destin. Il faut lire, relire et méditer à ce sujet Les Pensées de Pascal et son analyse du divertissement : celui-ci est le complément obligé de notre soumission à la force et à notre incapacité à cerner nos véritables désirs.

En ce sens, l’une des conditions actuelles de l’émancipation humaine est la distance critique vis-à-vis des représentations qui déferlent d’en haut, et la reconquête de sa propre vie. En commençant par la décision citoyenne, dans les pratiques sociales comme dans les votes, de ne jamais céder devant les logiques institutionnelles qui invitent sans cesse à abandonner ses propres convictions contre les images que l’on dessine pour que nous soyions « sages ». Les seules images qui nous libèrent infiniment sont celles de l’art, qui pour cette raison est sans cesse menacé et travesti en flots de produits culturels marchandisés. La vraie sagesse conduira toujours à dresser sa vie face aux spectacles qui en détournent.

NB : A lire, bien sûr, La société du spectacle de Guy Debord (1967), mais aussi, dans la lignée des ouvrages déjà signalés de Bernard Manin (Principes du gouvernement représentatif, 1997) et de Bernard Vasseur (La démocratie anesthésiée, 2011), auxquels je me permettrai ajouter Je vote donc je pense. La philosophie au secours de la politique que je publiai en 2007, et une Petite histoire de l’expérimentation démocratique (Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours), de Yves Sintomer, que les Editions de la découverte viennent de publier. On y trouve exposées de façon claire et précises toutes les formes anciennes et actuelles du tirage au sort comme dépassement de l’élection par suffrage. Passionnant et stimulant pour l’imagination citoyenne. On pourra le compléter avec la revue Mouvements (Ed. La découverte) de l’hiver 2011 : Jacques Testart y publie un article (« Le retour du tirage au sort », pages 120 et sv.)


Photos de Temari09 [cc-bync] via Flickr remixée par Ophelia Noor /-)

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Dévoiler l’argent des syndicats http://owni.fr/2011/12/21/devoiler-largent-des-syndicats/ http://owni.fr/2011/12/21/devoiler-largent-des-syndicats/#comments Wed, 21 Dec 2011 12:56:12 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=91110 Si toutes les auditions de la Commission d’enquête sur les mécanismes du financement des organisations syndicales sont du même acabit que celle obtenue par OWNI, on comprend que le rapport final de l’Assemblée nationale ait été réduit au secret. Dans un courrier du 14 décembre dernier signé de Bernard Accoyer, le président de l’Assemblée nationale a répondu à Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, qui demandait la publication du rapport : un secret absolu sera maintenu pendant vingt-cinq ans sur ce document et tous les éléments afférents, notamment les auditions et les pièces comptables recueillies.

Le 30 novembre dernier, cette commission composée de huit parlementaires et présidée par le député UMP Richard Mallié mettait fin à ses travaux en renonçant à publier son rapport d’enquête de près de 248 pages. Officiellement, lors des délibérations à huis clos, les députés s’étaient opposés entre eux sur les propositions formulées à la fin du document. Aucun autre motif n’expliquerait sa mise au secret.

Cependant, l’audition que nous avons recueillie et que nous publions en intégralité (au bas de cet article) montre, a minima, que les témoignages reçus par les parlementaires étaient de nature à provoquer quelques remous. Il s’agit en l’occurrence d’Hédy Sellami, un ancien journaliste de La Vie ouvrière, le plus que centenaire magazine de la CGT à destination des syndiqués.

Entendu le 3 novembre 2011 au matin, l’ancien salarié porte de graves accusations contre son ancien employeur et la CGT en général. Embauché en 1992 et licencié en 2001 pour raisons économiques, il dénonce une véritable “mafia” en rapportant de multiples anecdotes financières susceptibles à elles seules, et si elles étaient confirmées, de donner lieu à des poursuites pénales.

Contacté par nos soins dans le cadre de cet article, la CGT, en la personne de Michel Doneddu, secrétaire confédéral, n’a pas souhaité répondre à nos questions au motif qu’elle voulait prendre connaissance de l’intégralité de ce témoignage avant de réagir. Il qualifie cette situation d’information asymétrique “de scandaleuse, antidémocratique et liberticide”. Ajoutant : “on ne sait pas s’il s’agit de faux.”

Hédy Sellami y parle d’abord et surtout des emplois fictifs doublés de versements d’argent en liquide. Selon ses explications, il se serait agi de personnes employées à ne pas faire grand chose :

Les emplois fictifs étaient pléthores. Le seul service juridique où j’étais affecté, comptait deux bénéficiaires de tels emplois : deux personnes détachées de la sécurité sociale, dont une femme qui continuait à percevoir son salaire d’origine, assorti d’une enveloppe que lui donnait La Vie ouvrière, pour un travail théorique, en réalité inaccompli. Mieux : un jour, elle a décidé de s’installer, avec son compagnon – qui était rémunéré dans les mêmes conditions – dans le [il cite une région française, NDLR]. Femme au foyer, elle n’en a pas moins continué de percevoir le même salaire de la sécurité sociale et la même enveloppe de La Vie ouvrière, qu’elle venait chercher tous les mois.

Concernant en outre le montant des enveloppes d’argent liquide données mensuellement à ces deux personnes, Hédy Sellami avance le chiffre de 3 000 francs (458 euros) et 5 000 francs (763 euros). Au total, estime-t-il :

En plus des 80 salariés déclarés, au moins 50 employés – soit plus de 50% des salariés déclarés – touchaient une enveloppe et bénéficiaient d’avantage divers, tels qu’une voiture de fonction.

Plus loin, devant les députés, le script de son audition indique qu’il dénonce un mélange des genres dans les affaires immobilières entourant le fonctionnement du magazine :

J’ai apporté, pour le mettre à votre disposition, le compte-rendu d’une réunion du comité d’entreprise de La Vie ouvrière. On y lit que le magazine payait un loyer annuel d’un demi-milliard d’anciens francs (763 000 euros NDLR) [...] et que le déménagement dans ses nouveaux locaux lui a été facturé 200 millions d’anciens francs, un montant délirant. J’ignore d’où provenait l’argent nécessaire pour payer tout cela – les ventes périclitant, certainement pas du produit des publications.

Quant aux ressources du syndicat, l’ancien salarié se fait plus critique. Selon lui, les seules adhésions ne peuvent pas assurer les revenus affichés :

Les chiffres sont considérablement gonflés et bon nombre de prétendus syndiqués ont leur carte sans cotiser. [...] En d’autres termes, les syndicats – en tout cas la CGT – ne peuvent gagner de l’argent grâce aux cotisations (…) Pour la CGT, La Vie ouvrière est l’une des plaques tournantes de blanchiment de fonds par le biais de prestations fictives surfacturées.

Et pour qu’un tel système soit en place, l’implication des sphères dirigeantes est indispensable :

M. Bernard Thibault nous prend pour des demeurés quand il explique que point n’est besoin de commission d’enquête parlementaire sur les mécanismes de financement des organisations syndicales. [...] Lorsque, à La Vie ouvrière je m’indignais des emplois fictifs des personnes détachées de la sécurité sociale, on me répondait : “mais l’exemple vient d’en haut !’”

Il évoque aussi des pressions pour décourager les salariés de s’exprimer :

Hédy Sellami : Les licenciements de 2000 – 2001 ont constitué un moyen de pression pour empêcher les gens de parler.

Le rapporteur : qui profère les menaces ?

HS : Les dirigeants et toute une série de subordonnées – il faudrait dire de laquais – qui dépendent de la CGT pour leur travail ou leur emploi fictif et secondent la direction.

Interrogé sur l’organisation des supposés détournement d’argent, Hédy Sellami est resté vague :

La Vie ouvrière avait des comptes ‘pour la galerie’ recensant les rémunérations versées aux 80 salariés officiels, mais il y avait aussi des circuits financiers occultes, sur lesquels je n’ai pas d’éléments. (…) Le produit des ventes des publications ne pouvait expliquer les dépenses faramineuses de La Vie ouvrière ; un circuit de financement occulte était donc certainement en place. On a évoqué devant moi l’hypothèse de détournements de fonds de la formation professionnelle, mais je n’en sais rien (…) J’ignore comment la CGT se débrouille pour acheter ainsi des quantités de véhicules qui n’apparaissent pas dans la comptabilité officielle.

De même, sur les plaintes qu’il a déposées au parquet de Bobigny, “au moins deux” ont, selon lui, “disparu, comme par enchantement”. Hédy Sellami explique aussi qu’une enquête préliminaire a été menée et que l’officier de police judiciaire lui aurait dit : “on se paye [votre tête] et aucune procédure ne visera finalement la CGT.” Les plaintes ont été classées sans suite.

Interrogé par les parlementaires sur le dépôt éventuel de plaintes pour dénonciation calomnieuse contre lui, Hédy Sellami a répondu :

Non. [...] J’ai rédigé deux mémoires : l’un pour les prud’hommes, l’autre dans le cadre de mon dépôt de plainte [il gagné aux prud'hommes, mais en appel, sur la procédure entourant son licenciement économique, NDLR]. J’y raconte en détails ce que j’ai vu, joignant des photocopies de pièces. La CGT est en possession de l’un de ses mémoires depuis au moins sept ans ; elle n’a jamais porté plainte contre moi pour diffamation ou dénonciation calomnieuse. Au conseil des prud’hommes, l’avocat de La Vie ouvrière s’était présenté avec un ancien dirigeant de la revue et d’autres témoins, afin de m’intimider. Devant eux, j’ai évoqué les enveloppes et porté des accusations ; la CGT n’a rien fait.

Délégation syndicale, utilisation de l’argent de la formation, opacité financière, on retrouve dans son témoignage quelques-uns des grands serpents de mer du financement des syndicats. Selon Jean-Luc Touly, ancien militant CGT, co-auteur de L’argent noir des syndicats, et également auditionné, le témoignage de Hédy Sellami ne l’étonne pas :

Sur le fond, c’est assez véridique. Derrière de possibles exagérations dues à la colère et à l’esprit de revanche, ces propos illustraient la façon dont la paix sociale s’achète en France. Il se montre toutefois plus prudent dans les termes, préférant parler de détournements de fonds plutôt que d’abus de bien sociaux. Le système aurait connu un développement exponentiel à partir de la fin des années 90, pour devenir très net dans les années 2000.

Contacté, Hédy Sellami a indiqué avoir envoyé un courrier, ces derniers jours, à Richard Mallié, le président de la commission, et Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, demandant à ce que le rapport soit rendu public, ainsi que son audition.


Pour contacter l’auteur de cet article, de façon anonyme, et en toute confidentialité, vous pouvez aussi passer par privacybox.de (n’oubliez pas de laisser une adresse email valide -mais anonyme-).

Photos via Flickr sous licences Creative Commons : Mike Chen et Images_of_money

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Les mots de Marine contre l’image de Jean-Marie http://owni.fr/2011/12/21/le-pen-marine-jean-marie-discours/ http://owni.fr/2011/12/21/le-pen-marine-jean-marie-discours/#comments Wed, 21 Dec 2011 09:08:23 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=91370

La nouvelle candidate du Front national n’est pas seulement entrée dans la compétition présidentielle avec un autre ton que son père. Elle y est entrée à une autre époque. OWNI a utilisé des outils d’analyse textuelle pour comparer leur discours inaugural de lancement de campagne.

Prononcés le 20 septembre 2006 à Valmy pour Jean-Marie Le Pen et le 11 décembre 2011 à Metz pour Marine Le Pen, leur confrontation montre un abandon des diatribes personnelles et militaires d’un candidat accroché au passé, au profit d’un discours moins égocentrique mais plus critique d’une personnalité qui se présente comme active face à des défis plus européens que mondiaux.

Moins d’égo

Premier élément remarquable de la syntaxe, Marine Le Pen n’est plus la candidate du “je” qu’était son père. Le “je” représente 28,8% des pronoms personnels utilisés par Jean-Marie Le Pen en 2006, là où la nouvelle candidate du FN ne le mentionne qu’une fois sur cinq. Même constat pour le “nous“, qui, s’il compte pour près d’un quart des pronoms chez le premier, chute à un peu plus d’un dixième pour la seconde.

Dans l’auto-référence permanente, l’ancien président du Front mentionne par onze fois son propre nom, et à six reprises, se nomme lui-même, précédent d’un sonore “moi“, qu’il martèle pour poser son poids dans la candidature. En dehors des auxiliaires “être” et “avoir“, le verbe “incarner” est le quatrième plus employé (six occurrences) après “dire“, “faire” et “pouvoir“.

À sa manière, Marine Le Pen se “sarkozyse” en mettant en avant sa capacité à agir face à une ribambelle d’adversaires et d’opposants. Comme son père, elle mentionne plus souvent la gauche (sept fois pour elle, cinq fois pour lui) que la droite (cinq fois pour elle, trois fois pour lui). Mais la démarche politique, elle, est tout autre.

Chef des armées contre candidate

Bien que plus près à Metz de la ligne Maginot et des cimetières militaires de la Grande Guerre, Marine Le Pen ne chevauche pas son destrier de général contrairement à son père. Lancé dans sa diatribe depuis un pupitre de Valmy, Jean-Marie Le Pen coiffe toute sa prise de parole d’un casque de poilu :

Alors à ceux qui osent nous contester ce lieu, quand l’évidence de leurs turpitudes et de leur incurie devrait les faire rentrer sous terre !, je rappellerai que les soldats qui vainquirent ici à Valmy le firent au cri de “vive la Nation !”. Oui, c’est ce même cri que nous poussons – nous et nous seuls – depuis 30 ans au mieux dans le silence, mais le plus souvent sous les quolibets. Qui, d’eux ou de nous, peut prétendre incarner l’esprit de Valmy ?

Placé sous cet “esprit“, le patriarche Le Pen s’en va-t-en guerre : par 15 fois, il fait référence à Valmy, par trois fois comme un succès et par trois autres pour évoquer les “soldats“. Les références historiques sont pour certaines antédiluviennes, remontant jusqu’à Gergovie pour évoquer les “actions héroïques” mais créant d’un trait d’union l’hybride guerrier du “soldat-citoyen“.

Si Marine Le Pen y va également de ses gloires françaises, à commencer par Jeanne d’Arc qu’elle mentionne trois fois, après Clovis et Charles de Gaulle, elle insiste davantage sur les victimes. Par 17 fois, ce sont “les oubliés” qu’elle mentionne. Et le mot “jeune” est le quatrième substantif le plus utilisé de son discours, celui de “jeunesse” étant associé par deux fois au mot “victime“. Ce ne sont pas les souvenirs de Verdun que la candidate est venue raviver à Metz mais celui de Gandrange, dont elle cite trois fois le nom. Autant utilisé que le mot “nation” (sept fois), le mot “chômage” structure le discours en images fortes :

J’en suis convaincue mes chers amis : la France n’est pas condamnée à devenir une friche industrielle géante.

La fille a abandonné le bâton de Maréchal pour forger une nouvelle expression, celle de “Président des oubliés“, une expression que Marine Le Pen ancre dans une réalité. Puisque ces formules sont répétées jusqu’à épuisement au fil du discours, respectivement onze et quatorze fois.

Sauf que ce réel n’est pas le même qu’en 2006. À la tribune de Valmy, Jean-Marie Le Pen a plus parlé de l’histoire et surtout des étrangers que du travail. Le mot “chômage” n’apparaît même pas, alors que l’armée revient trois fois à la charge. L’ex-candidat du FN est dans un face-à-face avec l’histoire et avec le “système” qu’il évoque à tout bout de champ, généralement drapé de sa majuscule :

Moi seul, Jean-Marie Le Pen, contre vents et marées, incarne la vraie rupture, le vrai changement, tandis que tous ces agents du Système, formés par le Système, payés par le Système, pour que dure le Système, s’appliquent à favoriser la même politique destructrice d’emplois français qui nous a tant pénalisés depuis 30 ans et qui – j’ose aussi le dire – leur a bien profité !…

Le référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) marque encore d’une pâle empreinte le propos (“constitution” et “européenne” sont associés trois fois) mais les structures internationales auxquelles s’attaquent le père sont l’OMC et l’Otan. Une structure commerciale et une alliance militaire.

En 2011, la crise est omniprésente dans le discours de sa fille. Le “Système” a cédé sa place à la “Caste“, là encore habillée d’une majuscule, qui revient par six fois dans la bouche de la candidate. Désignant ainsi ses cibles, sans distinction de droite ou de gauche. Remplaçant avantageusement l’expression “UMPS” chère à son père et aux caciques du FN. C’est la “bulle” qui devient “spéculative” quand il faut parler d’une crise dont le coupable présumé selon elle est, lui aussi, omniprésent : l’euro. Absent du discours de 2006, la monnaie unique est le troisième substantif le plus utilisé en 2011 (18 occurrences) ! Les enjeux se sont resserrés pour la candidate à la présidentielle de 2012, il s’agit de “l’Europe ultralibérale” et des “européistes“.

Les destinataires du discours, eux, ne changent pas : chez le père et la fille, “France” et “Français” sont dans le trio de tête, entre lesquels se glissent pour Jean-Marie Le Pen, un “peuple” qui passe après les “jeunes” et le “choix” chez sa fille. Ironie de l’histoire, le discours de Valmy prononcé par le père et qui se termina sur une étonnante adresse aux “Français de cœur et d’esprit” et aux “Français d’origine étrangèreavait été inspiré par Marine elle-même. Une preuve que, désormais en première ligne, la nouvelle présidente achève un virage qu’elle n’avait fait qu’esquisser pour son père.


Illustration Flickr Ernest Morales
Retrouvez nos précédents articles sur le sujet avec le tag Verbe en campagne

Analyse des données des deux discours réalisée avec Claire Berthelemy et Birdie Sarominque.

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La finance islamique fait salon http://owni.fr/2011/12/20/la-finance-islamique-fait-salon/ http://owni.fr/2011/12/20/la-finance-islamique-fait-salon/#comments Tue, 20 Dec 2011 17:17:39 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=91290

Ne pas faire de politique. Rester dans les thématiques religieuses, et économiques. Lynda Ayadi, vice-présidente de l’Union des musulmans de France, avait des projets précis pour le Salon international du monde musulman qui s’est tenu du 17 au 19 décembre au parc des expositions du Bourget.

La directrice du salon avait aussi de l’ambition : réunir l’ensemble des acteurs qui animent la vie des musulmans en France, notamment sur les questions bancaires. Dix stands étaient réservés à des représentants de la finance islamique. Parmi eux, l’Association d’innovation pour le développement économique et immobilier (l’Aidimm).

Finance éthique

Créée en 2005, l’Aidimm, recherchait des alternatives à l’accession à la propriété explique le président, Saer Saïd :

En creusant les alternatives, nous avons d’abord découvert la finance éthique puis la finance islamique. Elle correspond à une structuration différente et elle est calquée sur l’économie réelle.

Le motif est religieux : la notion de riba issue du Coran interdit de rémunérer l’argent. Proscrits, donc, les taux d’intérêt et l’emprunt. La rémunération d’un placement doit correspondre aux dividendes qu’il a effectivement créés, d’où l’inscription revendiquée dans l’économie réelle et son ancrage dans la finance alternative. Pour Robin Martel qui a mené des recherches sur la finance islamique en France à la School of Oriental and African Studies de Londres :

La Grande-Bretagne est bien plus avancée que la France dans le domaine sous l’influence des pays du Golfe et surtout du Pakistan, Les considérations religieuses n’expliquent qu’en partie le développement de la finance islamique ces dernières années. L’objectif est tout autant d’offrir un service aux musulmans vivant en France que d’attirer les capitaux du Golfe.

Une ambition que confirment ses promoteurs en France, notamment Hervé de Charrette, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président de la Chambre de commerce franco-arabe, qui a pris la tête de l’Institut français de finance islamique, créé en 2009. Dans un article publié sur le site de l’association, il écrit :

Du fait de son récent développement international, la finance islamique est généralement victime d’obstacles législatifs et de surcoûts fiscaux. C’est pourquoi de nombreux pays, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne par exemple, ont adapté leur législation pour éliminer ces obstacles et ces surcoûts. L’enjeu pour la France est donc de participer à ce mouvement afin d’être capable d’attirer elle aussi ces investissements pour le développement de notre pays. La France doit donc prendre en marche le train de la finance islamique.

Une sorte de lobby

Longtemps embryonnaire, la finance islamique s’est structurée à partir de 2008 en France, année de la publication d’un rapport d’information du Sénat, suivi d’une réforme de la fiscalité en 2009. Robin Martel distingue deux tendances parmi les acteurs français :

Aidimm correspond à un développement endogène, issu de la société civile, à destination des entrepreneurs et fait par eux. C’est devenu une sorte de lobby. Une autre tendance, autour de l’IFFI notamment, est plus institutionnelle.

Saer Saïd, président de l’Aidimm, confirme ces activités de sensibilisation et de formation. L’Aidimm produit aussi des certifications de compatibilité avec la Charia. En 2009, sept entreprises du CAC 40 étaient Charia compatibles, affirme Saer Saïd sans en révéler les noms : “C’est à leur service de communication qu’il faut demander !” Il ajoute :

Avec la crise, un nombre croissant de gens sont soucieux de savoir où va leur argent. Les musulmans sont des consommateurs. Ils sont inquiets par la crise.

Un succès qui n’était pas démenti pendant les trois jours du salon. Les files d’attentes ne diminuaient pas devant les stands du quartier finance islamique.


Photos par Pete Bakke [ccbyncsa] et Rogiro [ccbyncnd]

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