OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pourquoi faire un journal? Parce que. http://owni.fr/2010/09/20/pourquoi-faire-un-journal-parce-que/ http://owni.fr/2010/09/20/pourquoi-faire-un-journal-parce-que/#comments Mon, 20 Sep 2010 11:08:49 +0000 Quentin Girard http://owni.fr/?p=28608 L’un des deux fondateurs du Tigre, Raphaël Meltz a publié dans le dernier numéro de ce magazine un long manifeste, «Pourquoi faire un journal». Il revient sur son expérience et y explique, en substance, qu’il arrête pour une durée indéterminée…  Lancé en mars 2006, Le Tigre a connu déjà plusieurs versions. La dernière, bi-mensuelle, en était au treizième numéro.

La fin du Tigre?

Au grand désespoir de ses fondateurs, la revue avait connu un bref passage dans la lumière lors d’un article très médiatisé sur Marc L. Le premier vrai portrait Google où Le Tigre démontrait que l’on pouvait presque tout découvrir d’un anonyme, juste en cherchant sur les moteurs de recherche ou sur les réseaux sociaux. Depuis, cette question de l’identité numérique du citoyen est devenue un sujet de société, au point qu’un secrétariat d’État y consacre le plus gros de son activité. Mais, à l’époque, fin 2008, la réflexion autour de ce sujet n’en était encore qu’à ses balbutiements.

Le magazine, après quelques mois d’agitation, est retombé dans son anonymat relatif. De mensuel, il était passé à bi-mensuel au début de l’année. Douze très belles pages en couleurs, d’un point de vue de la maquette. Jusqu’à ces trois dernières pages en forme de au revoir.

Pourquoi s’intéresser au Tigre? Pourquoi parler de sa mort (temporaire)? Après tout, les journaux, c’est un peu comme les langues, chaque jour il en disparaît et chaque jour de nouvelles se créent (et à la fin on parlera tous anglais).

Mais Le Tigre, c’est différent. Il incarne, ou incarnait – je ne sais pas trop s’il faut parler au présent ou au passé – une sorte de journalisme radical. Sans aucune concession aux diktats du marché, que ce soit dans la maquette ou le choix du sujet. Un journalisme qui n’existe pas et qui n’a jamais existé, ou alors de manière toujours confidentielle. Raphaël Meltz, le dit lui-même, il aurait voulu choisir ses lecteurs.

Pourtant il n’agissait pas très différemment de ce que font les autres journaux intéressants, en tout cas au début, raconter leur vision du monde, être subjectif et assumer.  Sauf que, que ce soit dans le choix des sujets, la manière de les raconter ou l’esthétique autour, Le Tigre était plus à la marge que la moyenne.

Passons sur le ton parfois un peu geignard, Le Tigre n’a jamais marché mais je ne voulais pas qu’il marche, et condescendant, Le Tigre est trop bien pour vous lecteurs, cette longue tribune pose pour tous les journalistes en herbe qui écrivent, que ce soit sur papier ou sur le net, quelques questions fondamentales: que voulons-nous faire, que voulons-nous dire?

“Dans les écoles de journalisme, on nous apprend à rejeter nos rêves”

Toute l’année, notamment en école de journalisme, nous recevons des conseils sur ce qu’il faut dire ou ne pas dire, être subjectif ou ne pas l’être, être sur le web ou être sur le web, les dix conseils pour réussir ou le contraire, etc… Au point que la théorie en devient parfois un peu répétitive. Le Tigre, au moins, c’est du concret. C’est un exemple, parmi d’autres, par rapport auquel on peut se situer.

J’ai eu la chance de participer au lancement de deux revues: Megalopolis, un magazine de grands reportages sur l’Ile de France, et L’Imparfaite, une revue érotique. Malgré le grand écart entre ces deux thèmes, à chaque fois les questions de départ sont les mêmes:

Que voulons-nous dire, comment voulons-nous le raconter?
et, évidemment
Qu’est-ce que l’on raconte?

Cela devait être une question de forme évidemment. Pour les deux sujets, nous avons à chaque fois choisi le format papier, et nous tendons vers des maquettes de plus en plus belles, mais cela aurait pu être un site internet ou du vrai papier toilette imprimé diffusé au hasard dans les rues de Paris. Un torche-cul informatif errant.

Et cela devait être une question de fond, évidemment aussi. Lancer un journal, surtout quand on est jeune, quand on n’y connaît rien, relève d’une sacrée ambition: croire que l’on fera des articles plus intéressants que les articles que l’on nous aurait demandé d’écrire si l’on avait trouvé un travail «normal», «conventionnel».

C’est ce que Raphaël Meltz et ses partenaires ont essayé de faire dans Le Tigre: être le meilleur possible selon eux, quitte à ne pas plaire à tout le monde. C’est une posture intellectuelle. Je sais, la décennie n’est pas aux postures intellectuelles, elle est au pragmatisme. Dans les écoles de journalisme, on nous apprend à rejeter nos rêves. On nous martèle qu’on ne sera jamais Hemingway – je ne cite pas Albert Londres parce que je ne l’ai jamais lu, mais normalement c’est à lui qu’on fait référence – et que la plupart d’entre nous passeront des heures pourries derrière un desk à monter des EVN sans intérêts tandis que d’autres feront de même, mais avec des dépêches, je bâtonne, tu bâtonnes.

Et qu’il faudra être content, parce que c’est la crise, que c’est le chômage pour tous, etc… Les écoles de journalisme ont raison, leur rôle est de nous faire envisager l’étendue des possibles, de nous préparer au pire, quitte, parfois, peut-être, à nous le faire accepter un peu trop facilement. Ce n’est pas pour cela que nous sommes obligés de les écouter 24h sur 24.

Faire un journal, parce que…

Pourquoi faire un journal? Parce que. Parce que nous avons le droit de monter sur un tonneau comme les philosophes et de déclarer que nous éditions un journal et d’estimer qu’il y aura un lectorat. A nous ensuite d’en assumer les échecs (probables à moyen terme).

A cela, les journalistes plus anciens, répondent le plus souvent par deux points:

«Attendez, c’est normal, nous avons tous connu ça, commencer pigiste pour des publications improbables avant de trouver un emploi digne de ce nom»

Sauf que c’était souvent à une époque où on savait que les emplois intéressants existeraient encore dans dix ans, et que, d’une certaine manière, cela valait le coup d’attendre. Aujourd’hui, on ne sait pas s’ils existeront encore. Rien n’est moins sûr. En cela, et je pense que la grande majorité des jeunes journalistes se posent un jour la question, notamment en radio et presse écrite, est-ce que cela vaut le coup de prendre le risque d’attendre? Le poète Michaux, dans Poteau d’Angle, a une jolie maxime:

Attention! Accomplir la fonction de refus à l’étage voulu, sinon; ah sinon…

Peut-être aujourd’hui faut-il accomplir le refus plus tôt qu’avant, quitte à reprendre l’ascenseur plus tard.

Le deuxième argument critique que l’on retrouve couramment est plus pernicieux. Les jeunes journalistes seraient dans une logique de servitude volontaire. Ils auraient accepté de ne plus réfléchir, de ne plus proposer, et d’accepter un recul global du métier en terme de qualité éditoriale exigée et de salaires réclamés. Mais, pire, toujours selon ces critiques, ils en jouiraient presque, puisqu’en retour ils bénéficieraient d’une exposition publique importante, grâce au départ à Twitter ou Facebook, non liée à leur mérite. On retrouve cet argumentaire chez Raphael Meltz du Tigre, dans la partie la plus faible de son papier.

Je dois avouer que je ne comprends pas cet argument, surtout sa généralisation. Juger la qualité d’une nouvelle génération de journalistes sur les idioties qu’ils écrivent sur Twitter, qui n’est ni plus ni moins qu’un comptoir de café comme un autre, avec son immense lot d’inepties et un éclair de génie de temps en temps, me paraît absurde. Les journalistes ont toujours aimé parler fort au bord du zinc, voilà tout. Si l’on résumait ma production professionnelle à mes tweets, je trouverai ça un peu triste. Jugez-nous sur ce que nous écrivons.

Et lorsque l’on regarde le fond attentivement, qu’est-ce que l’on voit? Des magazines lancés par des jeunes, pleins d’idées, de maladresses et d’envies- je pense notamment à Usbek et Rica ou Snatch. On voit une jeune pigiste de 26 ans maintenant, Sophie Bouillon, qui a obtenu le prix Albert Londres. On voit tous ces jeunes sites ou blogs qui se font et se défont, mais qui bruissent d’idées.

Cet été, en lisant le dernier vrai numéro du Tigre, j’ai été jaloux. C’était la première fois de l’année. Jaloux de la manière dont c’était mis en page, jaloux des articles écrits. J’aurai voulu avoir les mêmes idées. En vrac, le reportage à cent euros de Brest à Brest-Litvosk, le feuilleton au Qatar, les portraits d’anonymes à Paris ou l’après-midi à PMU, souvent plus impressionnant dans la manière de l’écrire, plus que dans le choix du sujet. Mais, dans le même temps, cela me donnait envie d’écrire à nouveau, d’avoir des idées, de penser différemment, d’être un journaliste. J’ai cette impression sur quelques articles de temps en temps, assez souvent en Internet, pratiquement jamais sur l’ensemble d’une publication. Le Tigre ne le mérite pas, mais je citerai à nouveau Poteaux d’Angle, rendant hommage au tigre, la bête:

Qui ose comparer ses secondes à celle-là?
Qui en toute vie eut seulement dix secondes tigre?

Pourquoi faire un journal? Parce que j’ai envie d’être aussi fier un jour que les gens du Tigre tenant entre leurs mains leur numéro double d’été. Parce que, très immodestement, avant de faire faillite ou d’être lassé, j’espère que nous arriverons à donner envie aux gens de nous imiter.

Parce que et l’infinité possible des mots qui s’ensuivent.

Crédits photos CC FlickR par Mike Bailey-Gates

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Chroniqueur pop: fin d’un monde et retour à la niche http://owni.fr/2010/04/13/chroniqueur-pop-fin-dun-monde-et-retour-a-la-niche/ http://owni.fr/2010/04/13/chroniqueur-pop-fin-dun-monde-et-retour-a-la-niche/#comments Tue, 13 Apr 2010 10:42:45 +0000 Emgenius http://owni.fr/?p=12140 Dans ce billet, Emgenius s’interroge sur l’évolution des fanzines et blogs musicaux et sur les liens qu’ils entretiennent avec l’industrie du disque.

Titre original:

La niche musicale : icône communicationnelle, et maillon faible de l’économie culturelle de masse

A la niche, Mauricette!

Avec un titre pareil tu te crois au moins dans une analyse bourdieusienne ou un article de Bernard Guetta. En fait non, ce n’est que moi…  et un simple constat. Cette semaine je me suis plongé dans la lecture des aventures de Gerald de Oliveira, que nombre de musicophiles connaissent plutôt parce qu’il est le bonhomme derrière un des premiers blogs totalement indé, totalement gratuit, totalement dévoué, A Découvrir Absolument, et navigue dans les mêmes eaux que notre bon vieux Benzinemag, depuis des temps quasi immémoriaux.

Au fil des années, ADA a réussi à imposer son style à la chronique mitraillette au gré d’albums reconnus, de groupes en développement et d’artistes non signés. Au point que je me suis souvent demandé : mais comment fait-il pour écouter autant de musique et surtout : « où trouve-t-il le temps de critiquer de plus en plus d’albums sur son site, avec une régularité d’horloge ? » et de développer, en plus, des compilations à télécharger toujours plus pointues, toujours plus indé. Je dois l’avouer. Longtemps j’ai jalousé la rapidité du bonhomme et son pagerank Google ;-)

Récemment Gérald a signifié aux internautes qu’il jettait le gant. Que pour cause de naissance et de projets personnels, il arrêtait la course à la chronique et au toujours plus, pour ne se concentrer plus que sur de sporadiques compilations, regroupant ses coups de cœur du moment.

Cet aveu, qui n’engage que son auteur est cependant symptomatique de deux grands mouvements à l’œuvre dans le monde culturel. Mais on pourrait aisément généraliser au  « en ligne » assez facilement.

Il devient de plus en plus facile de produire, enregistrer et diffuser > Difficile de suivre le rythme

Contrairement à Pascal Nègre, je pense que le téléchargement massif et l’accès gratuit à la musique a permis à une génération aujourd’hui post adolescente, d’avoir accès à un catalogue de tires qui nous a été interdit quant à nous.

Image CC FlickR par Brian Lane Winfield Moore

Les gamins qui ont pris les guitares, les ordinateurs et les sampleurs après 2000 ont en général eu accès à un catalogue, que mes cassettes magnétiques faites avec amour suite aux visites en médiathèque n’auraient jamais pu égaler. Le corollaire, c’est qu’un maximum de groupes fomentés dans les garages de l’Essonne, de Jette ou de Brooklyn ont débuté avec une connaissance des œuvres des aînés incomparable.

Globalement, j’ai tendance à croire que cet accès a donné à la jeunesse « qui joue de la musique » une certaine maturité que nous ne pouvions avoir à notre époque ; et globalement une musique plus efficace dès les premières notes. Donc plus enthousiasmante aussi à écouter.

Par ailleurs, n’en déplaise aux majors qui vantent leur labeur de loueur de studios et d’orchestre, force est de constater aussi, que là où mes camarades de fac pouvaient espérer au maximum produire une cassette sur leur quatre pistes, les gamins élevés au super Poulain et à ProTools sont aujourd’hui capables, depuis leur chambre de produire des « entités musicales », des albums, qui ont peut à envier à certaines des productions réservées jadis aux groupes en développement des maisons de disque.

Mieux encore, suite aux crises à répétition qui ont frappé le secteur, il y a fort à parier que les maisons de disque encouragent désormais un type de production similaire pour leurs artistes maison (combien d’interviews ais-je lui d’artistes qui expliquent s’être retirés dans une chapelle pour écrire leur album ou avoir composé la totalité de l’album dans le garage de Joe).

Le résultat est que nombre des premières démo de ces nouveaux groupes n’ont pas grand-chose à envier aux grands frères signés en maison de disque et arrivent très souvent avec bonheur auprès des webzines comme Benzinemag ou ADA, qui ont du coup bien du mal à refuser des démo super abouties, super léchées, qui ont parfois le petit grain de nouveauté qui nous émeut, ou que nous devons laisser sur le côté pour la seule raison, non technique, qu’il s’agit d’un n ième clone des Strokes ou une centième version de Kid A. Il n’empêche que globlament le niveau des démos est devenu très professionnel.

“Le Directeur Artistique est devenu la foule”

Avec l’avènement du web et les boosters que furent en leur temps les pages « official sites » et myspace des groupes, on a pu se mettre à écouter les démos de ces kids de chambre, émergeant des quatre coins du monde, sans filtre marketing, sans barrière de langue, sans halte, sans arrêt.

Et les démos de bidouilleurs isolés ont réussi à toucher un public parfois énorme avant même d’avoir donné ne fut-ce que l’ombre d’un concert dans la salle de gym du lycée. L’industrie en perte de vitesse s’est sentie spoliée d’un rôle de plus, celui de média, et a tenté de compenser les baisses de ventes d’albums par la production de masse de groupes en développement, tentant de compenser ce qu’ils perdaient en masse de vente sur un album par des coups possibles sur de multiples albums.

Côté fanzine, on a donc continué à voir débouler les démos super abouties de groupes non signés en quête de notoriété, diablement efficaces, et les albums de labels parfois plus petit ou non qui diffusent quantité d’albums en général plutôt plus que corrects, car portés par un buzz de fans, de communautés d’amateurs en ligne.

Le DA est devenu la foule, et la foule faite de plein de foules, réparties dans le monde, aux distances et au temps aboli par le web. Pour les webzines, comme d’ailleurs pour les installés de type Inrocks, Rolling Stones, Magic et consorts c’est devenu un peu comme une course à l’écoute. Pour rester généraliste, indé mais pertinent, il faut multiplier ses oreilles ou diminuer son temps de sommeil. Ce qui n’est viable ni si on a des impératifs financiers, ni si on entretient une vie professionnelle en parallèle.

Le désarroi des gloseurs de sorties

C’est à cette époque (il y a trois quatre ans) qu’on a vu les magazines recourir à de plus en plus de stagiaires pour les chroniques papier / web (diluant parfois l’essence des magazines au gré de plumes pas encore suffisamment mûres), user d’artifices comme les dossiers thématiques ou les hors série pour garder un lectorat captif ou un rôle de « carte IGN » dans un univers en perpétuelle ébullition qu’ils sont par ailleurs obligés de suivre sous peine de ringardisation.

C’est à cette époque aussi que sont nés plein de webzines très ciblés : untel sur la musique indus uniquement, untel sur le rap français en particulier, tel autre sur les musiciens belges… comprenant que puisqu’il devenait impossible de couvrir un scope complet, il valait mieux se spécialiser et engranger les pages vues auprès d’une ligne de fan, comme il existait jadis des lignes de produit. C’est depuis cette époque aussi qu’avec Benoît chez Benzine on cherche à dynamiser notre petite équipe, pour augmenter à la fois le confort de lecture, la rapidité de communication sur des bons groupes en phase ascendante, et une petite équipe dont le bénévolat rebute parfois dans la régularité des contributions.  C’est depuis cette époque aussi, que je me fais souvent rappeler à l’ordre par les labels qui nous contactent, parce que forcément, je suis toujours en retard d’une écoute, d’un bon coup, d’un newcomer.

Cette pléthore de sorties est difficile à gérer et ADA vient d’illustrer le désarroi de plein de fanzines, même si on se le cache souvent derrière le plaisir d’écouter des titres généralement bons. Cette offre pléthorique est ressentie aussi par le grand public, qui (et je suis sûr que c’est aussi un facteur de la baisse des ventes d’albums) n’a plus les moyens ou l’envie de céder au « fétichisme » autour d’un groupe déjà dépassé, ou dont le second album s’avère une bouse sans nom.

Ecouter et apprécier oui, aduler non. J’ai souvent mis sur le compte du « c’était mieux avant » de vieux con, mon impression diffuse de ne plus m’être enthousiasmé depuis longtemps pour un groupe pop et rock (pourtant mes préférés) comme j’ai pu le faire à l’époque pour les Cure, les Stone Roses, Pavement, Blur, Pulp ou même les Strokes et Bloc Party. Je me demande maintenant dans quelle mesure la « remplaçabilité » d’un groupe par un autre un peu meilleur, un peu différent, n’est pas en train de transformer le rapport à la musique et rendre caduque la notion même d’adhésion de masse pour un groupe populaire en une multiplicité d’adhésion de foule à des groupes de niche.

Un bon groupe de niche

Maintenir le cap de critiques généralistes, mais indé, pour le monsieur tout le monde Pop dans son ensemble (comme les Inrocks ou Magic et R&f dans leur créneau) est à la fois de plus en plus dur à continuer avec pertinence dans une volonté de couvrir TOUT le spectre des albums ou groupes potentiels, mais me semble aussi devenir de moins en moins en phase avec les attentes des lecteurs eux-mêmes

Je me trompe peut-être mais je veux y voir des signes à la fois dans la « démission » de Gérald from ADA, le côté de plus en plus fade rencontré dans ma lecture des Inrocks ou la sensation d’être roulé par les couvertures « groupe du mois » de mon favori Magic. Une hype remplace l’autre et un bon groupe remplace un autre bon groupe sans jamais rencontrer, ou si peu, le fétichisme quasi autiste des concerts de Cure qu’on préparait au khôl ou de Nirvana et Pavement à la chemise de bûcheron.

Un côté grand messe perdue, que je ne vois pas loin de là comme une des conséquences du rôle de filtre perdu par les maisons de disque (je n’ai pas le respect suffisant pour les majors qui me feraient accroire qu’ils triaient le bon grain de l’ivraie et c’est pour ça qu’on adulait en masse), mais comme une conséquence de l’accès à de multiples stimuli, de multiples enregistrements, diluant d’autant nos amours musicaux.

Un côté grand messe qu’on ne trouve plus qu’au sein de niches. Les ados avec les miraculés Indochine ou Tokio Hotel en sont les caricatures, les métalleux avec plein de groupes que je ne parviens plus à écouter au décorum et aux codes super précis… Autant de niches créant leurs icônes, leur habitus (dirait Bourdieu), leurs sociolectes et leurs messies de caste. Autant de niches qui rendent compliqué l’adhésion nécessaire à la vente de magazines tels les Inrocks ou Magic, les forcent à parfois se créer des stars du jour qui favorisent l’envie de lecture.

Des niches qui se créent sur des thématiques musicales, ou sur des personnalités de blogueurs, découvreur. Depuis une paire d’année, je constate que les blogs qui tournent autour d’une identité (et nombre de compères chez benzinemag en font partie), d’un chroniqueur se développent et gagnent un lectorat sans cesse croissant.

Un album mis en avant par Withoutmyhat ou le choix.fr encensé par eux, aura plus de chance de faire un joli carton au sein de sa communauté de lecteurs qui échangent avec ces blogueurs en nom propre, que des critiques régulières d’un maximum d’albums tel que benzine, popnews, ada, et les historiques peuvent le faire. On est passé de l’information globale au besoin de tri. Un tri qui se fait par le style de musique ou via la comparaison avec celui qui sert d’entremetteur.

Un rôle que peuvent se donner certains blogueurs, mais qui sied mal au fonctionnement de certains blogs, et qui peut faire enrager les labels condamnés à poster des des CD à la pelle, avec de moins en moins de garantie de sortir chroniqué (ce qui explique aussi pourquoi ils sont en train massivement de passer à l’envoi de MP3).

Des niches qui imposent aussi certains webzines à marcher ou crever (sous peine de disparaître en pagerank 6), à ne pas oublier les artistes avec notoriété dans chacune des niches (pour crédibiliser le site) et provoquent des démissions somme toutes logiques quand l’activité de veille / découverte se greffe sur des professions, des vies de famille etc. qui requièrent la plus grande partie de nos attentions.

Si le désarroi existe pour les webzines on ose à peine imaginer le bordel dans les labels

CC par Tsuki-chama sur FlickR

Or donc voilà que la niche domine les comportements d’achat éventuel. On le constate en bout de chaîne, quand il s’agit de parler des sorties. On se représente aussi du coup la difficulté pour tout le petit écosystème de la promotion au sein des labels et autre PR qui gravitent dans l’univers.

Il y a de plus en plus d’artistes à promouvoir, dans de plus en plus de niches. Et il n’y a pas encore de facto, d’unité de mesure ni de l’influence, ni du potentiel d’une niche.

J’imagine le RP au moment de sélectionner les 100 chroniqueurs potentiels à qui envoyer une version jolie d’un disque à promouvoir vs la version MP3 du même album ? Comment choisir ? Celui qui fait le plus de lectorat. Comment sélectionner un référent à choyer  pour un type d’artiste à promouvoir. Un magazine qui cartonne au tirage ou un blogueur influent auprès des émo-rockeurs d’ile de France, férus de ska et de punk écolo en provenance de Denver.

Où accorder l’interview ? Qui envoyer en concert ? Où se cachent les leviers qui remplissent les salles et /ou achètent du merchandising et du CD ?

Un casse-tête. Il existe peu, me semble-t-il d’analyse marketing concernant le positionnement de produit dans une niche définie et le retour qu’on peut espérer de micro écosystèmes, comparativement à de larges foules.

Seule reste le doute, la fuite en avant, et les démissions. Le changement de cap de ADA est assurément un témoignage d’un monde qui vient de se terminer.

On attend que se définissent les règles précises du monde à venir.

> Article initialement publié sur le blog d’Emgenius

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