OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un égo très créatif http://owni.fr/2011/12/09/raphael-meltz-le-tigre/ http://owni.fr/2011/12/09/raphael-meltz-le-tigre/#comments Fri, 09 Dec 2011 15:29:54 +0000 Axel Orgeret Dechaume http://owni.fr/?p=89855
“Revue ravissante pour jeunes gens graciles”, Le Majeur / Badabing ! est une double revue culturelle de 80 pages. Les lecteurs du numéro 1 ont pu découvrir un portfolio sur les courbes des culturistes irakiens, une interview de l’avocat Jacques Vergès et de Marc-Edouard Nabe, et des conseils pour bien réussir un duel à l’épée. Le deuxième sera aussi surprenant, avec notamment la visite d’un abattoir, un dossier sur le socialisme à l’ancienne, l’épopée baseball des Mets et quelques appels au meurtre. Chic, ils lancent ça jeudi prochain.


Il y a beaucoup de choses que Raphaël Meltz ne veut pas faire. Il ne veut pas mettre de pubs dans son journal. Il ne veut pas y traiter de l’actualité culturelle. Il ne veut pas utiliser de logiciels qui ne sont pas libres. Il ne veut pas qu’on le mette dans une case : journaliste, écrivain, intellectuel. Il ne veut pas qu’une journaliste de Libération lui consacre la quatrième de couverture. Il ne veut pas être interviewé en personne. Il ne veut pas parler moins vite.

Michel Butel, prodigieux inventeur de L’Autre Journal voulait “mettre la presse à l’égal d’une œuvre”. Raphaël Meltz et Lætitia Bianchi l’ont pris au mot et ont fondé l’étonnante revue alphabétique R de Réel. Puis, après s’être entourés d’un essaim d’historiens, essayistes, illustrateurs, écrivains, ils ont lancé le journal Le Tigre (“curieux magazine curieux”). À mi-chemin entre une forme et une autre, le journal a mué, gonflé, il s’est même teinté de couleurs.

Tour à tour indigné et roublard, Le Tigre emmène ses lecteurs des confins de l’Orient aux frontières du web, de la cuisine de Gérard Schivardi aux ors des cabinets ministériels. Sujets et illustrations sont grattés par de belles plumes. Le reportage photo d’un compère parti très loin côtoie l’hommage, sobre et touchant, à un complice parti trop vite.

Au détour d’une page de son Voyez-vous (éd. Verticales), Lætitia Bianchi nous livre :

Je lis un quotidien d’informations : les dernières vingt-quatre heures sont couchées là, avant qu’on ne les enterre.

Le Tigre s’attelle à étirer ces vingt-quatre heures, à les passer au tamis de la poésie et du sensible. Arrogant, superbe, sévère et exigeant, il n’entend pas le monde, il l’écoute.


Dans l’un des articles, il y a une formule qui m’a marqué : “décidément, c’est agréable de ne pas être journaliste”. Comment définissez-vous votre travail au sein du Tigre : écrivain, journaliste, observateur ?

J’occupe plusieurs places au sein du Tigre : l’ayant co-fondé avec Lætitia Bianchi en 2006, j’ai longtemps joué un rôle de co-rédacteur en chef, alors que nous étions deux. Puis trois durant l’année 2010 (formule quinzomadaire) où Sylvain Prudhomme nous avait rejoints. Et seul durant les sept premiers numéros de 2011 (formule mensuelle), Sylvain étant parti, et Lætitia ayant choisi de prendre du recul. Je ne joue plus ce rôle depuis l’automne 2011, puisque c’est Lætitia qui a repris, seule, la fonction. Si je détaille cela, c’est parce qu’on n’écrit pas de la même façon dans un journal quand on en coordonne le sommaire ou non. Par ailleurs, je m’occupe également, par la force des choses et non par désir, de l’administration du journal.

Aucune étiquette

Pour revenir à votre question : évidemment qu’il n’y a aucune étiquette qui me convienne parfaitement. Observateur, certainement pas, parce que ça suppose de ne pas être acteur, or je suis toujours acteur lorsque j’écris un papier dans Le Tigre : je ne crois pas du tout à cette idée qu’ont les journalistes que l’actualité existe malgré eux. C’est toujours un, ou plusieurs êtres humains qui font le choix de parler de tel sujet plutôt que de tel autre (et l’effet boule de neige donne assez vite le sentiment qu’il s’agit d’une “actualité”).

Je ne suis pas journaliste, comme je le répète souvent dans Le Tigre : d’une part parce qu’officiellement je n’en ai pas le statut (pas de carte de presse), mais surtout parce que je n’ai jamais eu le désir de l’être, jamais eu l’idée que je ferais des études de journalisme ou que mon avenir serait d’être grand reporter au Nouvel Observateur.

Écrivain, je le suis en-dehors du Tigre, puisque j’écris des livres, principalement des fictions : mais, au sein du journal, on s’est toujours interdit la fiction, donc personne ne vient faire un travail d’écrivain (si tant est qu’on lie ce mot à celui de la fiction) au Tigre. Pour tout dire, devoir se définir ne me semble absolument pas nécessaire, ni pour moi, ni pour les autres auteurs du Tigre : il me semble plus intéressant de parler des textes que de leur auteur.

Il y a eu une période, qui n’a pas duré longtemps, où je me suis dit qu’on devrait revendiquer le titre de journalistes : qu’on devrait considérer qu’en réalité, nous (les auteurs du Tigre, mais pas seulement ; tous ceux qui ont à cœur de faire une autre presse) sommes vraiment les journalistes, et que les autres sont des rédacteurs d’info. Qu’on devrait réenchanter le journalisme en expliquant que certains résistants le pratiquent encore – et pas ceux qui remplissent les pages banales des titres sans âmes.

Et puis j’ai trouvé ça absurde de vouloir m’affubler d’une cape que je n’appréciais guère ; j’ai laissé tomber cette idée.

Au sein du Tigre, j’ai pratiqué plein de genres d’écritures, plein de formats différents : c’est ce qui me paraît intéressant, l’expérimentation sur les textes. J’ai écrit des papiers type « journalistes », d’autres nettement plus littéraires, la plupart dans un entre-deux. À propos d’un “auteur-type” du Tigre, j’avais écrit une formule un peu lapidaire, mais qui vaut ce qu’elle vaut, je la ressors plutôt que de la paraphraser : “Quelqu’un qui se prend pour un journaliste mais qui s’imagine écrivain. Quelqu’un qui veut la rigueur du sociologue et la beauté du poète.” Je pourrais ajouter : “qui veut la profondeur de l’historien et la légèreté du comique.”

Il est devenu un poncif de dire que la presse papier traditionnelle est en voie d’extinction. La raison pour laquelle nous avons monté le projet Le Majeur / Badabing !, est que nous pensons que la réponse est : faire plus beau, plus fouillé et moins ancré dans l’actualité. En gros, faire jouer une dernière fois l’orchestre pendant que le Titanic coule. Vous partagez cette opinion ?

Il est évident que le Titanic coule : mais ça dure, à mon sens, depuis une trentaine d’années. Et ce n’est pas Internet, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ou laissent croire, qui coule la presse française : c’est son incapacité à, comme vous le dites, faire des journaux beaux, intelligents, subtils, drôles si possibles.

Et libres de toutes les mauvaises habitudes qui sont celles des journalistes : s’exciter sur les gros sujets dont tout le monde parle, et éviter de comprendre que la beauté d’une écriture, la subtilité d’un regard nous en apprennent beaucoup plus sur le monde que l’énième papier qu’il faut écrire à la suite des autres.

Que se passera-t-il lorsque le Titanic sera au fond des mers, c’est-à-dire que le système de diffusion de la presse française sera mort ? C’est une question sérieuse qu’il ne faut pas esquiver ; pour le moment, je n’en sais rien, mais je pense que la génération à venir (la vôtre) devrait l’affronter avec courage, parce que sinon tout se finira très vite sur des tablettes électroniques.

Qu’il s’agisse de supports papier ou web, la presse branchée ou indépendante consacre de nombreux papiers aux titres mythiques : Actuel, Hara-Kiri, L’Idiot International, L’Autre Journal. Ces titres ont-ils influencé Le Tigre ?

Il faut se méfier de ceux qui parlent toujours d’un passé mythique sans forcément se préoccuper du présent. On entend souvent parler de ces titres, en effet, mais c’est un peu comme le mot “socialiste” dans l’expression “parti socialiste” : c’est une façon de revendiquer quelque chose sans faire le moins du monde l’effort de s’interroger sur son sens. À quoi bon chanter les louanges d’une certaine presse alternative des dernières décennies quand on est soi-même un gigantesque publi-commercial dont l’unique but est de parler des livres, films et autres jeux vidéos que le lecteur doit se dépêcher d’aller consommer ?

Une création propre

Ce qui nous a influencés, c’est évidemment l’idée d’une forme de résistance aux habitudes de la presse que tous ces titres, d’une façon ou d’une autre, ont pratiquée. En ce qui me concerne, je n’ai été lecteur que de L’Autre journal parmi tous ces journaux, et il serait évidemment absurde de nier que Le Tigre en porte une trace. Je renvoie vos lecteurs au très beau texte de Michel Butel que nous avons publié en 2007, “La presse à l’égal d’une œuvre” (disponible sur notre site), où il explique parfaitement bien la différence entre un journal lambda et un journal conçu comme une création propre.

Dans un entretien accordé au site web Article 11, vous reprochiez à la presse “pure player” (Rue 89, Slate, Médiapart) de n’être qu’un agrégat de contenus. Ironiquement, le sous-titre du Tigre est une phrase d’Héraclite “un tas de gravats déversés au hasard : le plus bel ordre du monde”. Le travail que fournissent le site du Guardian ou bien OWNI, notamment sur le versant data-journalisme, peut-il trouver grâce à vos yeux parmi cet agrégat de gravats ?

Je n’avais pas pensé lire la phrase d’Héraclite comme une ode à la presse Internet, fragmentaire, parcellaire, où l’on arrive par communautés (réseaux sociaux) ou parce qu’on s’intéresse déjà à un sujet (fils RSS, recherche Google). Un tas, pour moi, c’est un tas, posé au sol, et qui reste là, et que je vais pouvoir inventorier ; ce n’est pas des poussières qui volent au vent, qui ne cessent de s’agiter devant mes yeux, ou que ne cessent de me projeter mes “amis” virtuels. Aucun site internet, OWNI moins qu’un autre, n’est un “journal”, ce sont des agglomérats, avec un énorme avantage (aucune limite de place ; aucun souci de diffusion), et, à mes yeux, un terrible inconvénient : l’absence d’une fabrication. D’une création. D’une imagination.

Je vois bien que, depuis quelques temps je suis passé du côté des vieux cons mais il me paraît essentiel de continuer à concevoir un journal comme un objet clos (fût-il sous forme numérique) et non pas comme une forme d’automate mettant à la queue-leu-leu des articles, aussi intéressants soient-ils (et, la plupart du temps, ils ne sont guère intéressants), puis les chassant pour les remplacer par d’autres. J’ai une vision encore très romantique de “l’honnête homme” qui s’intéresse à tout, qui aime la beauté des choses (et même l’odeur du papier).

Je ne nie pas l’intérêt d’Internet en général, évidemment, mais l’absence, pour le moment, de média existant en tant que tel sur internet.

L’exemple de Rue89 est très intéressant à observer. Lorsqu’ils ont lancé un magazine en papier (pour faire entrer de l’argent dans leurs caisses, ce qui en dit long sur l’absurdité qui voudrait que la presse papier coule à cause d’Internet), ils ont montré leur totale incapacité à créer un journal. Leur magazine est non seulement étonnamment laid, mais en plus il échoue totalement à avoir une âme propre (paradoxalement, il en a encore moins que le site Internet…). Ce qui veut dire que, parasités par leur expérience web, les créateurs de Rue89, pourtant issus de la presse papier, se sont montrés incapables de créer un vrai titre en papier : et plus le temps passera, moins les gens sauront faire. Sauf, bien entendu, les résistants.

Croire que le chemin de fer [l’organisation des sujets dans un journal, ndlr] est une idée dépassée est, à mon sens, tout aussi absurde que de penser que pour faire une maison, il suffit de murs extérieurs. On a encore besoin de cloisons ! Regardez comment les gens deviennent fous dans leurs lofts… (Et je ne plaisante qu’à moitié.)

Un défi à l’organisation traditionnelle

Cela dit, notre référence au tas de gravats doit s’entendre comme un défi à l’organisation traditionnelle de la presse écrite, qui, elle, a tendance à cloisonner le monde dans des rubriques closes (Politique, Société, International, etc.). Durant plusieurs vies du Tigre, nous tentions d’organiser ainsi ses pages ; puis nous avons voulu gagner en liberté, ne plus faire autre chose d’un déroulé, qu’une forme close dont l’ensemble soit la cohérence. La phrase d’Héraclite (qui utilise le terme « beau », ce n’est pas un hasard) s’est imposée.

De nombreux articles du Tigre se jouent des limites du discours publicitaire ou politique : les rendez-vous corporate, les canulars auprès de suivi-conso de grandes boîtes ou les détournements de pubs années 1970 par l’Hippopotable pour ne citer qu’eux. Et, de l’autre côté, il y a un soin particulier apporté à mettre en avant une parole libérée : graffitis à Haïti, murs peints en Afrique, interviews de concierges, croque-morts, éboueurs, flics etc. Avez-vous l’impression de mener un combat contre la novlangue ?

Même l’expression “novlangue” me dérange. Et, en général, Le Tigre préfère, par ses articles, par son existence propre, ce que vous appelez “mener un combat” plutôt que de commenter ce combat. Je veux dire par là que ce n’est pas à moi de faire l’exégèse de notre démarche politique. Politique, Le Tigre l’est assurément, mais il l’est d’une certaine façon : pas directement militant, mais dans sa pratique.

Que ce soit en refusant la publicité, en travaillant intégralement avec Linux (démontrant au passage que les logiciels libres sont des outils totalement professionnels), et en faisant le choix de sujets, de façons de les traiter. Évidemment, le rapport à la parole, à la langue, à l’écriture, est central : mais ne comptez pas sur moi pour donner ici des leçons ; c’est tout le sens du travail que nous menons que de ne pas imposer des idées toutes faites aux lecteurs.

Dans l’un des tout premiers numéros du Tigre, vous vous félicitiez d’avoir perdu cinq lecteurs, outrés par différentes choses, dont votre maquette et la longueur des articles (“5 de perdus”). Dans un numéro spécial, qui précédait le numéro 1 de la nouvelle version du Tigre, vous avez publié un long article d’explication et d’introspection portant sur Le Tigre (“Pourquoi faire un journal ?”) où vous reprochiez à vos lecteurs “de ne pas réagir, si ce n’est dans d’innombrables mails où ils feulent leur admiration et ils vous serrent la patte et ça, ça ne fait pas avancer le schmilblik” et rêviez à voix haute de “pouvoir choisir” ceux-ci. Comment conciliez-vous cette relative agressivité vis-à-vis de vos lecteurs avec l’idée du Tigre en tant qu’ “engagement humanitaire : c’est comme si je sacrifiais de mon temps au profit du monde” ?

Là, vous allez trop vite, et pour le lecteur qui ne connaît pas Le Tigre et les textes que vous citez, cela risque d’être incompréhensible. Une chose est certaine : Le Tigre n’a jamais eu pour but d’être consensuel. Que des lecteurs s’agacent ou s’ennuient en nous lisant, qu’ils restent insensibles à notre démarche me paraît très sain : on n’est pas complètement idiots, si on avait voulu faire Paris-Match, on l’aurait fait.

En revanche, ce qui est plus compliqué, c’est le rapport qu’on peut entretenir avec les lecteurs qui aiment Le Tigre et qui, parfois, oublient de nous rendre la monnaie de notre pièce : il y a une partie sacrificielle dans le temps qu’on investit pour faire ce journal avec, en effet, le sentiment de donner quelque chose au monde ; et, parfois, l’absence de réaction de ce monde-là (les lecteurs) peut sembler un peu injuste. Cela étant, après avoir écrit ce numéro-confession (“Pourquoi faire un journal”) à l’automne 2010, j’ai reçu plusieurs centaines de réponses, dont la plupart étaient belles ou intelligentes ou utiles ; depuis, je ne me plains plus de mes lecteurs.

Il y a deux ans, le magazine Chronic’art réalisait un numéro d’avril entièrement faux (fausses interviews, reportage sur “le jeu vidéo qui tue”, critiques de disques, films et livres n’existant pas etc.). En 2006, vous avez également effrayé une partie de vos lecteurs en leur faisant part d’une proposition de financement du journal par Esso. Vous écriviez, “Que faut-il préférer ? Un journal mort ou un journal qui s’adapte à la logique économique du monde dans lequel il vit ?”, avant de dévoiler le pot-aux-roses au numéro suivant. Ces moyens sont-ils, selon vous, pertinents ou suffisants pour effectuer une critique de l’état de la presse actuelle ?

“Nous sommes des farceurs”

C’est une forme comme une autre. Ce numéro en question de Chronic’art était en effet intéressant puisque c’est la seule fois dans leur existence qu’ils ont créé quelque chose (le reste du temps, ils ne font que chroniquer des produits culturels). Nous avons souvent fait des poissons d’avril (à chaque fois, les lecteurs tombent dans le panneau), tout simplement parce que nous sommes des farceurs. Je préfère votre question suivante (note pour le lecteur : il s’agit d’un entretien écrit, j’ai triché, j’ai lu toutes les questions avant de répondre).

L’une de vos illustrations représente un orgue mécanique du Victoria & Albert Museum, Tipoo Tigre, qui chante “Je préfèrerais vivre pendant (traduction plus précise je pense) deux jours comme un tigre que pendant deux siècles comme un mouton”. Dans le numéro mai/juin 2008, il y avait une double page satirique, avec un sommaire de journal (Le Mouton) qui égrenait tous les marronniers et sujets sans intérêt qu’on peut lire dans la presse actuelle : “le classement des meilleurs lycées franc-maçons des plus belles villes de France”, “le jour où j’ai accouché de quintuplés”, “Natalia et Veronika, le portofolio de Karl Lagerfeld” etc. J’ai été assez surpris d’y trouver une pique adressée à la revue XXI. Pourquoi ce coup de griffe ? Les considérez-vous comme un tigre qui a échoué, ou comme un mouton qui va durer deux siècles ?

On a souvent abusé de jeux de mots autour du mot “tigre”, c’était tentant. En ce qui concerne le Tipoo Tiger, il est évidemment question ici de la notion d’intensité : ce qui vaut pour la vie tout court vaut pour la vie professionnelle, donc également pour le journal qu’on fait. Donc, oui, on a toujours déclaré que Le Tigre vivrait le temps qu’il faudrait, et qu’il ne sera jamais question de le continuer parce qu’il marche (comme un mouton, donc). D’où, par ricochet, le besoin fréquent de changer de formule : pour éprouver que la vie continue.

En ce qui concerne XXI, mon sentiment est ambivalent : bien sûr qu’il y a quelque chose de réjouissant à voir le succès d’une aventure hors-norme, qui donne à lire de grands reportages écrits “à l’ancienne” (entendre : pas formatés comme on l’apprend dans les écoles de journalisme). Mais je suis gêné par pas mal de choses : le côté “empilement” des sujets, un aspect visuel que je trouve peu cohérent, le refus de “réenchanter” la presse (XXI n’est vendu qu’en librairies, affirmant ainsi que la presse en kiosque n’a plus vocation à croire en la qualité ; je pense au contraire qu’il est essentiel d’être présent à la fois en kiosques et en librairies : sinon la presse “différente” restera cantonnée dans ces lieux culturels relativement élitistes que sont, qu’on le veuille ou non, les librairies).

Par ailleurs, je suis assez amusé de leur façon de se proclamer indépendant (avec le groupe Gallimard et Charles-Henri Flammarion au capital) et sans publicité (en nouant des partenariats, logos à l’appui, avec la Fnac et France Info)… Bien entendu qu’il y a une part de jalousie derrière tout ça : le succès qu’ils ont obtenu, nous ne l’avons jamais eu avec Le Tigre, alors que, honnêtement, notre projet est beaucoup mieux que le leur… Mais ce que ça montre surtout, c’est la différence entre des gens qui conçoivent leur projet également dans sa portée commerciale, et des clowns dans notre genre qui ne s’intéressent qu’à la beauté du geste – ni à sa réussite, ni à sa longévité. Et des lignes qui précèdent le lecteur conclura aisément que je préfère la compagnie d’un clown à celle d’un cadre commercial.


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“Les pure players doivent prendre plus de risques” http://owni.fr/2011/09/07/les-pure-players-doivent-prendre-plus-de-risques/ http://owni.fr/2011/09/07/les-pure-players-doivent-prendre-plus-de-risques/#comments Wed, 07 Sep 2011 18:01:52 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=78273 Retour sur la rentrée des médias en ligne avec Arnaud Mercier, chercheur et professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paul Verlaine de Metz. Il anime également le projet Obsweb, un observatoire du webjournalisme.

Qu’est ce qu’il manque selon vous aux médias en ligne pour être réellement innovants?

Il existe peu de titres qui, soit pour des raisons financières, soit pour des motifs de paresse intellectuelle ou de priorités stratégiques, ont décidé de prendre à bras le corps la question de l’Internet pour en faire quelque chose de réellement innovant. Même vous à OWNI, vous êtes d’un manque total d’innovation dans la forme multimédia et dans les usages de tout ce qu’on peut faire. Vous êtes très en pointe sur un certain nombre de sujets, sur un ton, mais formellement, vous êtes d’un classicisme incroyable.

Comment percevez-vous cette rentrée 2011 pour les pure players?

Je ne comprends pas bien cette idée de rentrée. Autant la grille des programmes de la radio et de la télévision est annualisée, avec cette idée de programme de rentrée, de nouvelle grille et de transferts ou de mercato, autant dans la presse c’est moins vrai. Il me paraît difficile d’évaluer les pure players à cette aune alors que ce n’est pas conçu comme tel. Chacun va à son rythme, et comme on sait que les développements informatiques prennent du temps et buggent parfois, l’idée d’un calendrier commun me paraît peu pertinent pour le net.

La réflexion en terme de saison est pourtant là, notamment pour préparer la présidentielle.

Tout à fait, mais il y a d’autres priorités stratégiques. Pour ce que j’appelle les médias MEL, c’est à dire mis en ligne, effectivement, la priorité stratégique n’est pas toujours d’investir massivement mais d’avoir une présence sur Internet tout en maintenant l’essentiel de l’effort sur le média traditionnel. Il y a aussi des questions de moyens: moyens humains et moyens financiers. Et il y a également des problèmes de conceptualisation, soit parce que ceux qui sont en responsabilité sont issue d’une génération pour qui l’agilité d’esprit numérique n’est pas encore là, soit parce qu’il y a une forme de paresse intellectuelle qui consiste à ne pas vouloir trop se mettre en danger et à avoir tendance à reproduire y compris sur le numérique les modes de fonctionnement, de pensée et de traitement de l’information que l’on avait sur des médias dont ils sont issus à l’origine.

Pourtant en France on est plutôt bien loti en terme d’offre, non?

On a beaucoup de médias NEL, c’est à dire nés en ligne, mais ce ne sont pas forcément des médias hyper innovants dans les formats. Même si des choses se développent. Les couvertures en direct se sont bien cristallisées, notamment par l’utilisation de technologies de couverture en direct intégrative de type “CoverItLive”, avec la possibilité d’inclure des tweets, des photos, du texte qui défile etc. Storify arrive également. Les webdocs aussi se sont fait une place, étant entendu que l’on peut se poser la question de savoir si le mot a encore un sens, au vue de la disparité entre les formats labellisés “webdoc”. J’ai tendance à penser que cela devient un mot-valise pour qualifier un reportage au long cours par rapport à un sujet d’actualité traité dans un format bref. Mais là aussi, un Prison Valley par exemple demande un budget colossal, et ce n’est pas accessible à tout le monde. Il faut des soutiens, une énergie et un projet béton pour obtenir pour un webdoc l’argent habituellement investi dans un reportage télé pour magazine. Comme Jean-Marie Charon en a émis l’hypothèse, si on a tant de médias NEL, c’est sans dout qu’on dispose d’un système d’indemnisation des journalistes extrêmement favorable avec la clause de session. C’est typiquement le cas de Rue89, créé avec les indemnités de ses fondateurs.

Pour le reste, je pense que ce n’est pas parce qu’un site d’information est créé qu’il est forcément innovant.

Pour autant, comme le montre l’arrivée du Huffington Post en France, le secteur reste très attractif. Existe-t-il encore des marges de progression et d’innovation?

Elles sont majeures! Dans l’absolu, on est bien d’accord, il faut toujours des moyens, mais les marges d’innovation se situent à plusieurs niveaux. On a celles qui concernent la pleine utilisation de potentialités déjà présentes et très peu utilisées, comme les reportages réellement multimédia. A l’Obsweb, on étudie en profondeur les sites et on se rend compte que le nombre d’articles réellement multimédia est très faible. Pourtant, Internet est le média des médias, celui qui peut contenir tous les autres. Il y a pourtant très peu d’investissements réels sur une écriture qui serait réellement multimédia, on n’a pas ce réflexe. Sur la gestion des commentaires, il y a des choses à faire également. Si on prend le Huffington Post ou ProPublica, on a des modes de gestion réellement innovantes, avec des labels donnés aux commentateurs par exemple. Je pense également qu’une des missions que se doivent de remplir les journalistes est celle de la curation de l’information. De ce point de vue, il y a une sous-exploitation des Pearltrees ou d’outils de ce type. Souvent, on utilise ces outils pour ordonnancer sa propre documentation, mais on ne le met pas à disposition du public. Il y a un deuxième niveau, celui de l’expérimentation. Il faudrait parfois prendre un peu plus de risques en testant plus de choses. Il y a des tas d’expérimentations mais, faute de temps ou de vision stratégique, beaucoup de titres n’accordent pas suffisamment d’importance à la mise en place d’une vraie veille, comme le faisait Eric Scherer à l’AFP par exemple. Certes, il est difficile de déstabiliser son public ou d’endosser une dimension pédagogique consistant à prendre des outils dont il faut expliquer le maniement. Le troisième niveau se situe pour moi sur l’exploitation à des fins journalistiques de choses qui sont encore très peu utilisées.

Les applications mobiles par exemple, recèlent de vraies marge de progression.

Récemment, le New York Times a alerté ses lecteurs des risques liés à la découverte d’une bombe près de Central Park. C’est aussi le cas pour le journalisme augmenté pour lequel tout reste à faire.

Et le journalisme de bases de données?

Ça fait partie des choses qui se situent au deuxième niveau, et qu’il faudrait évidemment prendre le temps de développer.

En ce qui concerne la formation des journalistes au web et ses usages, que faudrait-il mettre en place selon vous?

Les jeunes journalistes ne sont clairement pas formés au web. C’est lié au système français en général. Tout le système scolaire français est fondé non pas sur le développement de la créativité, de l’originalité et de l’esprit d’éveil mais sur la reproductivité. C’est “moi je vous transmets ce que je sais, et il va falloir le reproduire”. Dans ma licence, il y a un cours de 20 heures de “créativité journalistique” dans lequel on essaye de décontenancer les élèves. Mais 20 heures ne suffisent pas. On essaye de les mettre en situation de veille et de curiosité, mais c’est compliqué. On essaye de faire en sorte de varier les profils également, mais cela ne suffit pas à trouver un vivier de vingt geeks surmotivés.

Plus on va dans des écoles reconnues, plus on est dans le conformisme.

Je sors de Sciences-Po et y ai enseigné vingt ans, mais il y a un formatage assez marquant. Tout l’encourage. On essaye de notre côté d’avoir un profil dans le recrutement qui est très hétérogène, parce qu’il y a un conformisme social également, avec énormément de reproduction.

Pour conclure sur une note optimiste, dans un monde idéal, vous souhaiteriez quoi à vos élèves?

Je leur souhaite d’être accueillis dans des rédactions où il y aurait une hybridation entre le fait de venir pour parfaire leurs connaissances grâce à l’expérience acquise de leurs pairs, et de l’autre côté, le fait qu’ils aient acquis un regard, une connaissance et une curiosité sur le numérique qui soit reconnue comme innovante et qu’on laisse s’exprimer. Ce que je souhaite, c’est une hybridation générationnelle entre ceux qui maîtrisent les formats anciens qui restent la base du journalisme et en même temps, qu’on sache faire place à des innovations qui sont comme souvent portées par les jeunes.


Crédits Photo FlickR CC : by ShironekoEuro / by-nc-sa just.luc

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http://owni.fr/2011/09/07/les-pure-players-doivent-prendre-plus-de-risques/feed/ 14
Les médias en ligne à l’âge de raison http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/ http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/#comments Mon, 05 Sep 2011 17:00:43 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=78138 2012, scénario catastrophe pour les sites d’information en ligne non adossés à un titre papier, appelés pure players ? Ce n’est pas ce qui se profile à l’orée de la saison médiatique 2011-2012. Et l’arrivée de petits nouveaux – d’une version française du Huffington Post à un site hybride 100% Lagardère – semble confirmer qu’il y a encore de la place pour l’information en ligne.

Pour la présidentielle, les anciens capitalisent sur leurs acquis

Continuité, développement et innovation : tels sont les maîtres mots employés par les acteurs de l’information en ligne pour qualifier la saison qui s’annonce. Saison marquée par trois ou quatre élections présidentielles (France, Etats-Unis, Russie et Chine), comme le souligne Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr. Pour autant, pas question de modifier en profondeur les équipes et d’innover sauvagement pour couvrir les élections, françaises ou pas, contrairement à ce qui se prépare dans les rédactions dites “traditionnelles”.

En dehors de Rue89, dont la nouvelle maquette sortira courant octobre 2011, pas de grands changements à l’horizon pour l’information sur Internet. Développée par Upian , cette nouvelle mouture respecte “les valeurs de Rue89 tant graphiquement qu’éditorialement, pour en faire un site puissant et statutaire, pensé tant pour les éditeurs et les journalistes que pour les contributeurs” selon Alexandre Brachet, directeur de l’agence. Pascal Riché, rédacteur en chef, n’hésite pas quant à lui à la qualifier de “petite révolution”. Reste que dans le traitement de l’information, Rue89, que Claude Perdriel veut voir comme un laboratoire du Nouvel Observateur suite au rapprochement entre les deux médias, ne va pas modifier ses habitudes en profondeur.

La manne financière du patron du Nouvel Obs était notamment censée permettre le développement d’un pôle “datajournalisme“, aujourd’hui au point mort. La plateforme souhaite néanmoins renforcer sa présence sur les terminaux mobiles, comme nous le confie Laurent Mauriac, directeur général. Une première application Ipad, “Rue89 avec les doigts”, sortie fin mai, avait été proposée gratuitement comme numéro test. La deuxième sera payante et verra le jour d’ici la fin du mois de septembre.

Rue89 développe également une déclinaison Sports, “encore balbutiante”, selon Pascal Riché. Le premier des pure players français (tant en âge qu’en consultations) étoffera peut-être son effectif pour la période électorale, mais compte s’appuyer sur ses fondamentaux :

On va rester très participatif, non pas top-down mais plutôt bottom-up, avec le format “face aux riverains” notamment, et en insistant sur le fact-checking.

Le positionnement plus magazine du petit frère frenchy de Slate.com lui permet de prendre le temps, comme le souligne Johan Hufnagel : “On refuse le buzz, on ne fait pas de papier facile et à charge. On reste sur de l’analyse et du commentaire, contrairement à certains sites communautaires. C’est donc plus long, mais on pense que c’est plus sain.” Malgré une équipe restreinte composée de trois rédacteurs, d’un chef d’édition et d’un rédacteur en chef, l’objectif est de répondre présent pour ces élections.

Le constat est établi par l’ensemble de nos interlocuteurs : pour innover, il faut de l’argent. Et le nerf de la guerre fait défaut, quel que soit le modèle économique.

Slate.fr continue son développement sans accélération incontrôlée. Johan Hufnagel tient à nous préciser que le sombre tableau financier dépeint par le journaliste média de l’Express Emmanuel Paquette ne correspond pas à la réalité.

L’investissement réalisé pour lancer la déclinaison Afrique du site, savamment intitulée Slate Afrique, aurait grevé les comptes. Selon le rédacteur en chef et actionnaire du site : “On est toujours sur nos objectifs, liés à un plan de financement sur 5 ans. L’équilibre doit être atteint en 2012.” Pas d’investissements mirifiques à l’horizon, donc, mais un “travail de fond sur la plateforme. L’idée est de booster le SEO , mais nous n’avons pas prévu de refonte de la maquette, en dehors d’améliorations à la marge de l’ergonomie.”

Mediapart et ses 26 journalistes ne sont pas en reste. Pour François Bonnet, directeur éditorial du site :

Il faut qu’on ait un regard critique sur ce qu’on a fait en tant que journalistes sur les dernières campagnes présidentielles. En 1995 il y a eu la bulle Balladur, en 2002 personne n’a vu la montée du FN et en 2007, on a laissé de côté la question du couple Hollande-Royal. Il ne faut pas une fois de plus reproduire un plantage généralisé pour cette campagne. Pour nous l’enjeu est là : il faut qu’on se batte sur le terrain de l’info. Et ce dans une proposition éditoriale innovante qui est de bousculer la sphère médiatique : la différence en année présidentielle va se faire là-dessus.

Le dernier né des pure players français, Atlantico, pourrait quant à lui bénéficier de son positionnement à droite de l’échiquier politique. Selon Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la publication, la présidentielle constitue un “booster naturel d’audience”. L’équipe du site, qui vient de perdre son rédacteur en chef, “travaille à des choses et réfléchit à des formats spéciaux dédiés à la campagne qui seront lancés à la fin du mois”.

Étonnamment, Mediapart et Atlantico sont sur la même ligne. Il ne s’agit pas d’innover à tour de bras, mais plutôt de renforcer pas à pas leur modèle respectif. Jean-Sébastien Ferjou souhaite “aller au-delà du milieu médiatico-politique parisien”, tandis que son confrère François Bonnet nous rappelle que “l’objectif de Mediapart est de casser l’agenda, de ne pas se laisser enfermer dans une bulle médiatico-sondagière”.

En trois ans d’existence, le site fondé par Edwy Plenel a réussi son pari : s’approcher de l’équilibre financier avec un modèle économique centré uniquement sur les abonnements. Les nombreuses révélations des journalistes d’investigation du média ont permis d’engranger de fidèles abonnés. Tant et si bien que le site dégage aujourd’hui 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour la saison qui s’annonce, il s’agit de “consolider ce modèle et d’améliorer nos procédures”. Ici encore, les développements se feront à la marge, avec une application iPad et quelques projets “en cohérence avec le modèle économique de la structure”. La version anglaise du site, Mediapart English, est de ceux-là.

Lagardère et le Huffington Post débarquent dans l’Hexagone

Le relatif succès de ces médias nés en ligne attise les convoitises. Le groupe Lagardère développe depuis quelques mois un projet qu’il aime à qualifier de “pure player”. Reste que le site, dont le lancement public est prévu pour le mois d’octobre, s’appuiera sur les productions du groupe, qui comprend le JDD, Paris Match et Europe 1. L’équipe, composée de 5 journalistes, dont le rédacteur en chef Nicolas Moscovici, est d’ailleurs hébergée dans les locaux de la radio. A l’origine du projet, Laurent Guimier, tenancier motivé de l’émission “Des clics et des claques”, et Benoît Raphaël, ex-rédacteur en chef du Post.fr, et aujourd’hui consultant pour RevSquare. Selon lui, le site, dont le nom fait encore l’objet de discussions, sera “assez audacieux”, et il se murmure que la maquette fera la part belle au “journalisme de liens”. La positionnement éditorial 100% politique laisse à penser que le groupe Lagardère souhaite se doter d’un outil efficace dans la bataille médiatique de l’élection présidentielle.

Du côté de France Télévisions, on prépare également dans le plus grand secret le lancement de PI – pour Plateforme d’Informations – un site dont la vocation est de fournir la dernière information importante au moment où l’internaute en a besoin. Un objectif ambitieux doté d’un recrutement pléthorique : une quinzaine de personnes, dont beaucoup en provenance du Monde.fr. L’idée est de mettre en avant les contenus de France Télévisions en essayant de s’adapter au mieux aux usages en cours sur le web. Le lancement du site sera d’ailleurs l’occasion de faire la preuve de cette ambition : le site sera d’abord disponible sur mobile, puis sur les réseaux sociaux, et sera mis en ligne dans un troisième temps.

Offre pléthorique

La position particulière de la France, qui dispose d’une offre d’information en ligne pléthorique, a également aiguisé l’appétit de la sculpturale milliardaire américaine Arianna Huffington. Celle qui a construit le succès de son “Huffington Post” outre-Atlantique s’apprête à lancer une version française de son site, vraisemblablement en partenariat avec Le Post.fr, propriété du Monde Interactif (dont Lagardère est actionnaire). L’équipe du Post en avait bien besoin : aujourd’hui réduite au strict minimum, son avenir semblait plutôt compromis. Sa rencontre avec Louis Dreyfus a dû être déterminante. Courtisée par plusieurs patrons de presse, comme Pierre Haski, celle qui a récemment cédé son média au groupe AOL s’était bien entourée pour préparer son débarquement dans l’Hexagone. Sa visite avait en effet été chapeauté par Alain Minc et Bernard-Henri Lévy. L’information selon laquelle Le Post pourrait servir de rampe de lancement au “HuffPo” en France a été sortie par la Correspondance de la Presse et aurait filtrée au cours du dernier conseil de surveillance du groupe.

Plus modestement, de nouveaux projets souhaitent se faire une place dans le monde des pure players. En témoigne le prochain lancement de Quoi.info, un site de questions/réponses animé par une équipe de sept à huit personnes chapeautés par Frédéric Allary, ancien directeur général des Inrockuptibles, et Serge Faubert. Inspiré du site américain Politifacts, le site se propose de rééquilibrer la relation entre lecteurs et journalistes. Faisant la part belle au “factchecking”, l’expérimentation commencera à la mi-octobre, pour bénéficier du regain d’intérêt pour l’information en période d’élection présidentielle.

Gageons que l’ensemble de ces projets élargira les perspectives de la métarédaction du web français, et permettra à ce qu’on qualifie encore parfois avec dédain de journalisme web de gagner ses lettres de noblesse.


Et pour ceux que le développement d’OWNI intéresse, vous pouvez vous reporter à l’édito de maître Dasquié.


Crédits Photos CC FlikR SrgBlog, Bies, Larskflem

Crédits Illustration Une: © paylessimages & © pixbox77 – Fotolia.com

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http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/feed/ 20
[ITW] J-M Charon: “Les médias français n’ont pas de culture de recherche et développement” http://owni.fr/2011/05/03/itw-jean-marie-charon-medias-francais-innovation/ http://owni.fr/2011/05/03/itw-jean-marie-charon-medias-francais-innovation/#comments Tue, 03 May 2011 15:30:40 +0000 Céline Sawalski http://owni.fr/?p=60496 Le sociologue des médias Jean-Marie Charon a publié en mars La presse en ligne aux éditions La découverte. L’occasion pour OWNI de faire un état des lieux de l’évolution des sites de médias.

Vous critiquez l’approche trop “homogène” qu’avait Xavier Ternisien, journaliste spécialiste des médias au Monde, des rédactions web. Vous avez publié en mars une enquête sur la presse en ligne, quelles sont vos principales observations ?

Ma première enquête doit dater de 2009. J’en ai discuté avec Xavier Ternisien après son article. Sur le web, la typologie est plus riche en terme de formes éditoriales et de types de journalistes. Il n’y a pas seulement des journalistes de desk  mais aussi des journalistes qui font de l’information multimédia beaucoup plus évoluée et trouvent des nouveaux modes de traitement, comme Ternisien avait pu le décrire. Chez Rue89 et Mediapart, on retrouve aussi des fonctions journalistiques plus traditionnelles et intégrées dans l’univers du web, des enquêteurs, des éditorialistes, des intervieweurs, qui sont issus de la presse traditionnelle.

La presse régionale travaille très différemment. Les journalistes dédiés à de la production imprimée peuvent dans le même temps s’impliquer sur le web. Le journaliste devient un journaliste Shiva qui va sur le terrain et multiplie les compétences. Et enfin, les rédactions pure-players qui ne se sont pas positionnées sur le traitement de l’information chaude et qui ont plutôt recherché des lignes éditoriales complémentaires. Par exemple, Slate se présente comme un magazine et non comme un média d’info d’actualité.

Jean-Marie Charon

Les pure-players se multiplient. Atlantico.fr a été lancé le 28 février. Cette diversité vous semble t-elle viable étant donnée la difficulté des sites à trouver un modèle économique ?

Il faudra répondre au cas par cas. Ces sites ont une identité éditoriale forte et ne trouveront des ressources que s’ils ont un public suffisamment motivé pour participer soit sous forme d’abonnement (comme pour Mediapart), soit sous d’autres formes. Rue89 a travaillé sur le lancement d’une plateforme de don, J’aime l’info. Lorsque ces sites tentent de diversifier leurs activités en développant du service (e-commerce), il y a en face des concurrents très forts. Seule la motivation des lecteurs pour se rendre sur ces sites d’info participera de leur projet éditorial. Il faut qu’il y ait une motivation supplémentaire, c’est là que ça va se jouer.

On va voir apparaître des modèles moins présents dans la presse généraliste, avec des activités un peu hybrides.

Les rédactions se diversifient et développent des nouvelles activités: formation, organisation d’événements. C’est une pratique qui se fait beaucoup en presse professionnelle et technique où les chiffres d’affaires sont issus à 20, 30% d’activités annexes (salons, séminaires). C’est ce qu’indique le modèle développé par Rue89.

Pourquoi y a t-il autant de pure-players en France, ce qui n’est pas le cas du reste de l’Europe ?

Les sites d’actualité rattachés à des médias traditionnels ont été moins créatifs que des sites comme le Guardian ou le New York Times. Le Figaro.fr et Le Monde.fr ont des contenus qui se ressemblent et qui ne donnent pas l’image d’une recherche permanente d’innovation. Du coup, cela n’a-t-il pas créé des espaces de recherches d’innovation qui ont été couverts par des pure-players ? Autre facteur, la France a connu une énorme crise de l’emploi dans les médias, et en particulier dans la presse quotidienne. Des journalistes compétents, actifs, qui ont quitté leurs rédactions, ont tenté quelque chose.

Contrairement aux pays anglo-saxons où l’on débarque des dizaines de journalistes qui partent avec rien, en France, quelle que soit l’ancienneté, il est possible de partir avec des indemnités. Il va y avoir au Monde des nouvelles clauses de cession, je suis sûr que l’on va retrouver quelques-uns des journalistes dans les « pure-players », s’ils n’en créent pas eux-mêmes. Que ce soit Slate, Rue89, Mediapart ou Arrêt sur Images, dans les quatre cas ce sont des animateurs de projets issus de la presse écrite. Grâce à cette possibilité de partir avec beaucoup d’argent, certains se sont dit: profitons-en et créons des médias sur de nouveaux supports, c’est beaucoup moins cher.
Aussi, la presse magazine a montré qu’il était encore possible de créer des médias. Avec de petites équipes, des idées et quelques fonds, on peut encore lancer des projets. Ce n’est certainement pas un modèle évident en Allemagne ou en Grande-Bretagne, où la création de médias appelle des capitaux importants et des structures lourdes.

Deux pure-players ont échoué à l’étranger, même s’ils avaient des journalistes qualifiés, parce qu’ils n’avaient pas la possibilité de mettre des fonds personnels. Ils dépendaient uniquement de fonds d’investissement, et quand ceux-ci ont eu l’impression que l’info n’était peut-être pas ce qu’il y a de plus rentable sur le web, ils ont laissé tombé. Ça a été le cas pour soitu.es en Espagne et Netzeitung.de en Allemagne.

Le site espagnol Soitu.es n'est pas parvenu à s'imposer comme un pure-player.

Pourquoi les sites d’info adossés à des médias n’ont-ils pas pris le même chemin que leurs équivalents anglo-saxons ?

Cela doit beaucoup au problème de faiblesse structurelle de la presse française. Elle n’a pas les moyens financiers pour des développements de cette envergure. Il n’y a pas de culture de recherche et développement, les médias français ne sont pas assez habitués à travailler sur des maquettes, sur des pilotes, dans des laboratoires. C’est Nicolas Voisin qui dit que OWNI sert de laboratoire pour la profession.

On aurait tout à fait pu imaginer qu’un groupe comme Lagardère ou Le Monde Interactif crée un vrai laboratoire. Le Monde Interactif a essayé, avec Le Post.fr, mais ça a tourné court. Cela n’a pas été maîtrisé, ils ont été incapables de l’assumer et d’en faire quelque chose. Bruno Patino avait essayé de faire passer ses idées dans une période où il y avait certainement un problème de management.

Nous sommes à un moment charnière dans l’établissement des modèles économiques, les sites diversifient beaucoup leurs activités. Quel avenir voyez-vous pour ces modèles hyper-diversifiés ?

La particularité du web, c’est que c’est un média plus flexible et maniable. Je pense qu’on peut avoir une approche de niche. On va voir cohabiter des projets avec des médias financés par des sociétés de services, comme c’est le cas pour OWNI, des projets éditoriaux soutenus par des activités annexes ou par l’abonnement (Mediapart), mais cela ne nous dira rien de la capacité à équilibrer Le Monde.fr ou Le Figaro.fr. La répartition des ressources n’est pas encore connue entre les éditeurs et ceux qui sont les intermédiaires entre l’info et les lecteurs: les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les fournisseurs d’accès à Internet.

Jusqu’à présent tous ces acteurs considèrent qu’ils font leur business dans leur coin et que, bien sûr, c’est mieux d’avoir des fournisseurs de contenu qui attirent les internautes. Mais ce n’est pas leur problème. Cette situation n’est pas éternelle, CNN se dit que sur le web ils ne gagneront jamais d’argent. Si des médias aussi importants que CNN ou le New York Times ne trouvent pas de modèle économique, par l’abonnement ou d’autres moyens, les portails ne pourront pas laisser ces entreprises s’effondrer et perdre en qualité et en fréquence de contenu.

Petit à petit on va certainement voir une division de la relation entre ceux qui ont accès aux publics et ceux qui fournissent le contenu.

Cette question se pose avec l’iPad, entre un fournisseur de matériel et les éditeurs de contenus. D’emblée, avec la répartition 70/30%, l’opérateur abandonne la vision de Google et des FAI. Ces derniers obtiennent des revenus publicitaires et plombent le modèle économique du fournisseur de contenus. On peut imaginer que certains FAI ou Google envisagent un partage des revenus. Cela reste hypothétique.
La presse en ligne perd l’accès direct à son lecteur et dépend de plus en plus des intermédiaires. Il y a les moteurs de recherche, les fournisseurs d’accès, les agrégateurs et maintenant les réseaux sociaux. 50% du trafic de Rue89 vient par exemple de Google ou des recommandations via les réseaux sociaux, 70% arrivent via les agrégateurs chez L’Express.fr. Il y a une perte de cet atout : pouvoir identifier ceux qui viennent chez vous, qui ils sont. Des infos que collectent les fabricants de matériels, les agrégateurs. Cela engendre une perte d’une partie de la recette publicitaire. Si un site comme Rue89 reste en déséquilibre à la fin de l’année, cela deviendra inquiétant.

Les sites qui utilisent un mur payant, tel que celui que vient de lancer le New York Times s’en sortent-ils mieux que les autres ?

Le quotidien anglais Times, qui est passé au tout payant, a perdu 90% de son audience. Eux disent qu’en perdant ce lectorat, mais en gagnant de nouvelles recettes, ils ont atteint un meilleur équilibre qu’avec le modèle précédent. Il y a une contradiction que posent les sites payants, et que posaient moins les sites gratuits: vous ne pouvez pas rendre un site payant sans apporter un contenu à valeur ajoutée. Le Monde.fr ou le New York Times sont confrontés à ce problème: le modèle du papier c’est de ne fournir que de l’information à valeur ajoutée. Faire du contenu à peu près similaire sur le web et espérer que vous allez faire décoller le quotidien est paradoxal.

Il y a un an tout le monde croyait au micro-paiement. Aujourd’hui ce n’est qu’une feuille de plus sur un mille-feuille.

Alors que les modes de ressources des médias traditionnels étaient simples : la publicité, les recettes des ventes; aujourd’hui on va rentrer dans des systèmes où l’on va cumuler des feuilles les unes sur les autres. Certains lecteurs sont très sensibles à des sites qui renvoient vers des sites de e-commerce et perdent confiance en un site d’information. Les régies publicitaires qui s’occupent de sites d’info le disent : le display (les pubs sur le site) ce n’est pas intéressant, tout le monde en fait on ne progressera plus. Les autres moyens sont le financement aux clics et il y a le “sur-mesure” qui consiste, pour une marque, à proposer à un site d’info de faire une Une autour de sa marque. Si un site faisait ça, il perdrait complètement sa crédibilité en terme d’information.

Les initiatives de financement par les dons, le mécénat, sont nombreuses (Propublica, J’aimelinfo.fr, Glifpix). Pensez-vous que c’est un développement nécessaire ?

Le site Glifpix dont on a entendu parler au moment des Assises du journalisme à Strasbourg, propose ce service. Mais la plupart des projets d’articles ou de sites ne sont même pas financés au dixième, ça a l’air d’être un fiasco complet. Pour que ça ait du succès, il faut beaucoup en parler et avoir une communauté qui est motivée par l’info sur le web et sensible à ce média. Ce que je crains pour Jaimelinfo.fr, c’est que l’on n’ait pas du tout dans cette posture en France. Aux États-Unis, les financements par les fondations sont traditionnels pour de nombreux secteurs : les hôpitaux, les universités, les institutions. En France, cela reste cantonné aux ONG. Ça ne prendra pas l’ampleur que cela peut avoir aux États-Unis.

Il y a eu des fonds créés via un système de mécénat qui donne des avantages fiscaux si vous investissez dans des sociétés de financement pour la presse écrite. Cela ne mobilise pas beaucoup d’argent. Le SPEL [NDLR: fonds d’aide au développement des services de presse en ligne] ce ne sont pas des fonds pour équilibrer mais pour réaliser des investissements sur des projets. Mais si vous n’arrivez pas à développer des projets, il ne faudrait pas en arriver à la situation de la presse écrite qui est presque complètement dépendante des aides de l’État. 

L’élection présidentielle approche. On a vu cette année des affaires comme l’affaire Woerth, sorties d’abord sur le web. Pourquoi la classe politique a-t-elle été aussi virulente envers les sites d’infos ?

La classe politique est déphasée par rapport à une partie de la société. Quelques politiques s’y sont un peu mis, mais la classe politique reste vieille et a moins de familiarité avec ce média.

La pratique courante du cumul de mandats donne des emplois du temps assez encombrés. Et le web est un média chronophage. Si vous voulez suivre les réseaux sociaux, les sites d’info, comprendre comment fonctionne la logique éditoriale de Slate, Mediapart, Rue89, où les papiers sont plus longs et complexes, il faut du temps. Les politiques n’ont ni le temps, ni le goût, ni la compréhension, ils ne connaissent ce média qu’indirectement, par des tiers.

En plus, ces médias sont de plus en plus foisonnants, avec des formes plus anciennes du journalisme : l’investigation, l’édito, la satire, des formats beaucoup plus irrévérencieux. D’emblée il y a une très grande dégradation de l’image des journalistes. J’ai travaillé dans des cabinets ministériels et animé des réunions et de séminaires au Service d’Information du Gouvernement. C’est là que l’on entendait, à propos du web, les termes d’ “information poubelle”, d’”information caniveau”. Et personne ne s’est levé pour protester.

Photos Flickr CC-BY-NC-ND par matteopenzo et CC-BY-ND par kozumel.

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http://owni.fr/2011/05/03/itw-jean-marie-charon-medias-francais-innovation/feed/ 6
2012 : tournant du journalisme web http://owni.fr/2011/04/13/2012-tournant-du-journalisme-web/ http://owni.fr/2011/04/13/2012-tournant-du-journalisme-web/#comments Wed, 13 Apr 2011 08:00:40 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=56568 2012 ne sera pas une année comme les autres dans PDF (Paysage Digital Français). Présidentielles obligent, les desks numériques vont eux aussi chauffer et le journalisme en ligne tiendra là l’occasion de se faire enfin une vraie place auprès des aînés. Mais surtout, il pourrait bien changer, si ce n’est la face du monde, du moins la physionomie de cette grand messe électorale, mère de toutes les batailles politiques (et deux clichés en une phrase, deux !).
Investigation, data journalisme et fact-checking pourraient changer la donne médiatique de 2012. Tour d’horizon d’une année charnière pour le web-journalisme en trois points.

Pour la première fois, il faudra compter avec les pure-players

Comme les bons vins, les pure players se bonifient en prenant de l’âge. 2012 devrait donc être pour eux l’année de la maturité. Si leur arrivée dans le paysage a été remarquée, l’année constituera pour la plupart le plus grand rendez-vous d’actualité française qu’ils auront eu à traiter, mais ils auront eu pour cela le recul et l’expérience de grands événements pour les mettre en jambe (notamment en ce début d’année 2011).

Rue89, Médiapart, Slate et les autres sont désormais des médias à part entière, reconnus comme tels par le grand public. Leurs équipes sont structurées, expérimentées et pèseront dans le grand baroud médiatique de 2012. Charge à eux de prouver qu’ils peuvent apporter autre chose et renouveler le genre éculé de la couverture médiatique d’une présidentielle.

Si les historiques sont attendus au tournant de la présidentielle, les nouveaux devraient eux aussi essayer de bousculer les règles du genre. Owni sera sans doute l’un des plus observés, et devrait être à la pointe des nouveaux formats journalistiques tels que le journalisme de données, le fact-checking ou le serious game. La mise en scène de l’information devrait elle aussi connaître une dimension nouvelle dans le traitement de la campagne.

La nouvelle donne des réseaux et du participatif

Théorisée par Alice Antheaume, la “rédaction secrète du web” sera-t-elle encore de mise en 2012 ? Cette solidarité, ou tout au moins cette capacité à travailler en commun d’un média à l’autre, aura-t-elle encore cours en pleine année présidentielle, période décisive pour les marques médias ? Plus crucial encore : quelle sera la place des réseaux sociaux, des wikis et de l’info participative en général dans cette présidentielle ?
Encore majoritairement ignorés par les hommes et femmes politiques français, les réseaux et le participatif pourraient faire irruption dans la campagne de façon tonitruante. Karl-Theodor zu Guttenberg, le ministre de la défense allemand, en a fait les frais il y a peu en voyant les internautes débusquer et mettre à jour le plagiat de sa thèse de doctorat (lire toute l’histoire racontée par Frédéric Lemaître dans Le Monde). Les candidats à l’élection de 2012 ont-ils pris conscience de cette nouvelle dimension de l’info ? Réponse dans quelques mois…

Fact-checking et droit de suite

Fondamentalement, les deux axes du web-journalisme qui pourraient vraiment changer la donne en 2012 sont le droit de suite et le fact-checking. Dans un édito du 8 avril 2010, sur France Inter et Slate.fr, Thomas Legrand pointait déjà du doigt cette dimension et annonçait, avec raison, qu’elle jouerait un rôle inédit dans la prochaine présidentielle.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Jusqu’ici confinés au traitement humoristique popularisé par Le Grand Journal de Canal+, le fact-checking et le droit de suite pourraient gagner leurs lettres de noblesse en 2012. Le mouvement s’accélère et outre les pure-players, de nombreux médias “traditionnels” essayent de se mettre en ordre de bataille pour appliquer ces deux préceptes au grand rendez-vous de l’année prochaine.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les rédactions web seront sans doute au rendez-vous de ces nouvelles pratiques journalistiques. On peut du moins l’espérer. Mais qu’en sera-t-il des autres médias ? La télévision, notamment, saura-t-elle enfin saisir cette opportunité ? Quelle chaîne osera proposer un débat entre candidats ou politiques dans lequel le fact-checking aurait enfin sa place ? Une émission pendant laquelle une équipe de journalistes pourrait vérifier, contre-dire, confirmer ou préciser les affirmations trop souvent péremptoires des uns et des autres ? Un débat où la contradiction ne serait pas amenée par l’un de ces éternels éditorialistes, qui ont couvert toutes les présidentielles de la Ve République ou presque, et qui ne serait pas idéologique mais factuelle ? Un journalisme version 2012, capable d’aller plus loin, de placer un candidat devant ses contradictions, de ressortir et diffuser des archives si besoin ?
Les journaux, eux, sauront-ils utiliser réellement leurs rédactions web et tirer profondément profit de leurs compétences, et non pas se limiter au “buzz” ?

De leur côté, les rédactions web auront-elles encore la capacité d’innover, d’étonner, de créer de nouveaux formats, de proposer un autre ton, une autre façon de fabriquer l’info ? Sauront-elles se faire une place dans ce qui reste le plus grand événement politique du pays, jusqu’ici ultra-dominé par les éditorialistes de tout poil et les “grandes signatures” souvent peu promptes à l’innovation ? Les web-journalistes des médias “traditionnels” sauront-ils gagner leur place et le respect de leurs confrères à cette occasion ?

Si le journalisme en ligne tient ses promesses, 2012 pourrait ne ressembler à aucune autre présidentielle… De quoi donner envie de relever le défi !

> Article publié initialement sur Cross Media Consulting sous le titre 2012 : une année décisive pour le journalisme web ?

> Illustrations Flickr CC A.Goffard et Mcarpentier

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http://owni.fr/2011/04/13/2012-tournant-du-journalisme-web/feed/ 6
Atlantico: cap à tribord http://owni.fr/2011/03/02/atlantico-cap-a-tribord/ http://owni.fr/2011/03/02/atlantico-cap-a-tribord/#comments Wed, 02 Mar 2011 11:38:49 +0000 celine sawalski et guillaume ledit http://owni.fr/?p=49073 Lancé ce lundi, Atlantico.fr a t-il une élection de retard? En 2007, des anciens de Libération lancent Rue89 fleur au fusil le jour de l’élection de Nicolas Sarkozy. Quatre ans plus tard, Atlantico.fr se présente comme un site ouvertement libéral. Une tentative similaire avait été faite par Arnaud Dassier, directeur de la stratégie Web de Nicolas Sarkozy pendant la campagne de 2007 et aujourd’hui actionnaire (minoritaire) du projet. En 2011, derrière ses références et inspirations nord-américaines, le nouveau pure-player marqué à droite, semble pourtant proche de ses concurrents.

“Un vent nouveau sur l’info”?

Avec son slogan et le temps de développement du site (près d’un an), Atlantico était attendu au tournant, plusieurs pure players étant déjà bien installés dans le paysage médiatique français, et plutôt orientés à gauche. On pense à Mediapart qui doit fêter ses trois ans en mars, à Rue89 ou encore à Slate.fr lancé en février 2010 même si ce dernier est moins clairement orienté.

La maquette du site et l’approche éditoriale du nouveau venu s’inspirent, selon les dires de ses fondateurs, du Huffington Post et du Daily Beast, des sites lancés depuis plusieurs années déjà aux États-Unis (le design d’Atlantico.fr est d’ailleurs étonnamment proche de celui du Daily Beast). Quant au titre du média, loin des fondateurs l’idée de faire référence à leur atlantisme supposé: Atlantico serait une simple contraction des noms des magazines américains The Atlantic et Politico.

Des similitudes graphiques soulignées par le sémillant @vincentglad sur Twitter

Si l’on en croit la jolie plaquette distribuée à la sortie de la conférence de presse organisée par l’agence Alchimia pour le lancement du site, Atlantico est un “facilitateur d’accès à l’information”. “Quelque chose à mi chemin entre l’agrégateur de contenus et le site d’info qui produit ses articles à partir du travail d’une rédaction”, martèle Jean Sébastien Ferjou pour définir la ligne de son site. “Le nouveau pure player est conçu comme une plateforme d’aiguillage pour apporter le meilleur “mix” d’info à ceux qui n’ont que quelques minutes à y consacrer.”, expliquait-il dans un mail envoyé aux écoles de journalisme en octobre dernier.

A naviguer sur le site, il semble que les “architectes de l’information” et autres ergonomes aient bien fait leur boulot: la maquette est aérée et permet de bien distribuer liens, catégories, chroniques, fil de dépêches et pubs clignotantes.

L’ensemble sera animé en gardant bien en tête qu’écrire pour le web, c’est “écrire court”, puisque “les articles longs, on ne les lit plus” et que “le temps de cerveau disponible” des internautes est particulièrement faible. L’expression de Patrick Le Lay est d’ailleurs répétée avec un malin plaisir au cours de la conférence de presse par les intervenants.

Répétée aussi, l’idée de “briser la hiérarchie de l’info”. Qui sont ces anars de l’actu? Principalement des journalistes spécialisés dans l’audiovisuel, et provenant de médias privés: TF1, LCI, Le Parisien, BFM, RTL. Organisés sur le modèle d’une rédaction de site d’info généraliste, les journalistes ont commencé à travailler sur le projet dès mai 2010 sous la houlette du directeur de la rédaction Jean-Sébastien Ferjou et de Jean-Baptiste Giraud, ancien journaliste radio (BFM).

La rédaction est composée de six journalistes qui sont chargés de “faire une sélection d’articles de vidéos, de blogs pertinents sur l’actu du jour et de repérer et de programmer des contributeurs dont les posts devront éclairer l’actu ou les débats intellectuels et politiques du moment”. Si les éditorialistes sont rémunérés et les journalistes salariés, les contributeurs sont quant à eux considérés comme des invités de plateau télé, et ne sont à ce titre pas payés.

Une ligne éditoriale “libérale”, mais pas ouvertement à droite

La ligne éditoriale: c’est le point qui devait faire toute la différence. Pourtant, pendant la conférence de presse, Jean-Sebastien Ferjou ne dira jamais que son site est ouvertement à droite, précisant d’emblée quand on lui demande d’où il parle que “ce n’est pas en ces termes que les choses se posent”. Il préfère donc sous-entendre qu’il n’est pas à gauche:

Je ne suis pas passé par la case trotskisme mais ça ne m’empêche pas de faire de l’info, libéralisme et capitalisme ne sont pas des gros mots.

Quand on évoque l’hypothèse selon laquelle le site comblerait un vide à droite dans la perspective de 2012, le fondateur d’Atlantico se défend et affirme que son site n’est pas destiné à soutenir un candidat plutôt qu’un autre. Pourtant, il est clair, quand on écume la liste des contributeurs, que l’on n’a pas affaire à une bande de trotskistes décroissants. Parmi le “portefeuille d’environ 300 personnes” (économistes, juristes, historiens, philosophes) retenues pour contribuer régulièrement au site, figurent en effet l’historienne liquidatrice de l’héritage de Mai 68 Chantal Delsol; Amirouche Laïdi, le président du progressiste Club Averroès; l’écrivain Gérard de Villiers, créateurs des post-féministes SAS et ancien de la presse d’extrême-droite; Sophie de Menthon, enthousiaste initiatrice de la fête de l’entreprise ou encore Roman Bernard, rédacteur en chef du Cri du contribuable.

On y retrouve également des journalistes spécialisés dans l’analyse et la critique des médias, comme Gilles Klein d’Arrêts sur Images ou Alain Joannès, “grand pro du rich media”, qui tiendra une chronique intitulée “Arrêts sur Idées”: nul doute qu’il y “congédiera l’accessoire pour cingler vers l’essentiel“.

Un autre journaliste-contributeur, Christophe Carron, nous explique: “On me l’avait présenté comme un site anti-conformiste et un peu poil à gratter, ils aimaient bien ma façon de défendre la presse tabloïd et un peu trash”. Journaliste à Voici.fr et blogueur sur lowblogging.fr, il sera repris sur la partie “people” du site, Atlantico Light. “Quand on lit la liste des contributeurs, on voit que ce n’est pas un site de gauche ça c’est clair”, conclut Carron.

Jean-Marie Charon, sociologue des médias – et auteur d’une enquête sur la presse en ligne prochainement publiée – s’étonne quant à lui du marquage politique mal assumé par les fondateurs d’Atlantico:

Le décryptage du discours de Nicolas Sarkozy de dimanche soir n’était pas particulièrement favorable à ce que dit Sarkozy. Je ne m’attendais pas à lire ça sur Atlantico.fr. J’aurais mieux compris un positionnement plus dur et affirmé: leur positionnement n’est pas clair, c’est dommage, d’autant que le droite au pouvoir a un discours virulent et des remarques parfois dédaigneuses vis-à-vis du web.

Même sentiment chez certains commentateurs comme Pierre Haski, qui s’interroge sur Twitter:

Du côté de Mediapart, on ne tergiverse pas. Laurent Mauduit accueille sur son blog le nouveau venu dignement, dans un papier intitulé “Atlantico, la droite rance”.

“L’autre problème des pure-players c’est qu’ils ne sont pas nombreux à travailler dans les rédactions, ça pèse sur le contenu, ce ne sont pas les conditions idéales pour traiter l’info de manière complète surtout quand ils diversifient leurs activités” continue Jean-Marie Charon.

La France est le seul pays à avoir autant de pure-players. En Allemagne et en Espagne, il y a eu plusieurs tentatives mais Soitu.es a fait faillite et NetZeitung.de a réduit ses ambitions. Seuls les États-Unis en ont autant mais ils ont aussi un lectorat mondial, incomparable à ce que nous avons en France.

Le risque serait donc de voir émerger une information standardisée alors qu’Internet est par définition lieu d’expérimentations et d’innovations.

La “terra incognita” du business model

Un million d’euros, c’est le montant total des fonds levés pour lancer un site avec des moyens. Deux levées de fonds sont donc effectuées en 2010 pour assurer le lancement, initialement prévu en octobre 2010 :

  • 51% du capital est détenu par les co-fondateurs, Jean-Sébastien Ferjou, qui a investit personnellement 30 000 euros, se décrit comme l’actionnaire le plus important.
  • Le reste (49%) est détenu par une holding créée pour l’occasion, “Free Minds” qui comprend notamment Charles Beigbeder, membre du Parti radical et vice-président du conseil de surveillance de la Fondation pour l’innovation politique (un think tank libéral), Arnaud Dassier, de L’enchanteur des nouveaux médias et les nouveaux mécènes du web français Marc Simoncini, le fondateur du site de rencontres Meetic.fr, et Xavier Niel, également actionnaire du Monde et d’OWNI.

Après plusieurs faux pas, et un changement de CMS (pour finalement choisir Drupal), le site est enfin lancé le 28 février 2011. Le modèle économique repose pour le moment entièrement sur les revenus publicitaires. “Un modèle de gratuit car il est difficile de faire de l’info généraliste payante”, souligne le directeur de la rédaction. L’objectif est d’atteindre 600 000 visiteurs uniques d’ici un an et l’équilibre en 36 mois afin de “construire la marque”. Prévue dans un deuxième temps, une diversification des revenus permettrait d’atteindre le Graal de la rentabilité, mais ses contours restent flous (vente d’informations sur les entreprises, datajournalism…).

Un navire fait pour les réseaux sociaux?

Si le site n’inscrit pas à son fronton bleu-blanc-rouge le logo de l’UMP, sa stratégie de communication web rappelle les heures les plus sombres de la “com’ web” (de droite).

A peine mis en ligne, il est déjà critiqué, notamment sur Twitter. Sur la page Facebook d’Atlantico.fr, créée deux semaines avant le lancement du site – et qui a réuni une centaine de fans quelques jours avant le lancement – le logo a été dévoilé le 27 février. Dès la création de la page, un teasing sommaire est mis en place. Plusieurs journalistes web, blogueurs et internautes ont alors sauté sur l’occasion pour se gausser gentiment du plan marketing.

C’est l’agence web Palpix qui a développé l’aspect technique du site, sans être spécialisée dans la communication sur les réseaux sociaux. Les deux fondateurs, quant à eux, avouent très franchement qu’ils n’avaient pas de compétence technique particulière sur le web, et que les réseaux sociaux ne tueront pas le journalisme de liens qu’ils mettent en avant sur le site.

Pour séduire les internautes branchés web, une minute geek hebdomadaire tenue par Nathalie Joannès a pour objet d’expliquer le web aux newbies. La première chronique du genre est un portrait robot du geek et fait déjà grincer des dents les lecteurs attentifs qui ne manquent pas de critiquer sa superficialité sur Twitter.

Selon Jean-Sébastien Ferjou, ces réactions n’ont rien de grave, Twitter constituant une élite (50 à 100 000 lui précise-t-on). La question est de savoir si la “culture de l’audience” revendiquée par les fondateurs du dernier-né des pure-players arrivera à toucher au delà des CSP+ (cible avouée d’Atlantico), pour pouvoir pour peser sur le débat public d’ici à 2012.

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Crédits Photos via FlickR: Wooden ship on the Rupsa River (Bangladesh) par joiseyshowa [cc-by]

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http://owni.fr/2011/03/02/atlantico-cap-a-tribord/feed/ 9
Jeunes journalistes, arrêtez de penser comme des vieux cons http://owni.fr/2010/05/31/jeunes-journalistes-arretez-de-penser-comme-des-vieux-cons/ http://owni.fr/2010/05/31/jeunes-journalistes-arretez-de-penser-comme-des-vieux-cons/#comments Mon, 31 May 2010 16:30:41 +0000 Reguen http://owni.fr/?p=17097 Petite précision de la rédaction : bien qu’OWNI “arrête la frise du Net aux cinq dernières années”, nous avons dans nos cartons un projet de fond qui nous tient à coeur : une histoire du web français. Car pour fréquenter régulièrement des dinosaures du web et leur accorder une place de choix sur la soucoupe, ce jeune vieux con de Jean-Marc Manach, Eric Scherer, qui est un de nos parrains, sans parler d’un nostalgique du papier comme Jean-Christophe Féraud, nous sommes bien conscients de n’avoir rien inventé.

En plus, nous ne sommes pas (tous) journalistes :)

Ce qui ne nous empêche pas de trouver ce billet pertinent…


Billet d’humeur sur un milieu que je connais peu (comme SCANDAL) et qui me fait pourtant pas mal cogiter : les jeunes journalistes qui peuplent ma timeline Twitter. Des personnes intelligentes, passionnantes, avec un sens aigu du bon lien mais avec la mémoire d’un poisson rouge alzheimerique quand on parle de journalisme sur le Web.

D’ailleurs, peu de noms mais beaucoup de pseudos Twitter dans cette bafouille rageuse. Le jeune journaliste ne nomme plus, il pseudise. On va vite vous remettre dans le droit chemin, c’est moi qui vous le dis.

Le texte est incohérent et ce n’est pas grave.

Un jeune journaliste, c’est quoi ?

Un ex-dreadeux avec un clavier entre les mains, un diplôme d’école de journalisme et beaucoup d’arrogance.

Les jeunes journalistes sont l’avenir du journalisme. Et ils le savent. Donc chacun, au travers de dix liens par jour et de discussions sur l’avenir de la profession, prophétise un jour l’iPad comme sauveur de la presse avant de l’abandonner le lendemain au profit « d’une révolution des contenus » et le surlendemain de l’avènement des blogs mutualisés à l’annonce des résultats de l’Huffington Post.

Des jeunes qui pensent pour la plupart de la même manière, au gré de l’actualité, qui adoptent le point de vue des anciens qu’ils sont censés conseiller, voire éclairer sur l’avenir de la profession, digital natives qu’ils sont.

A trop bien connaître ces « anciens » qui prennent le Web autant pour une plaisanterie de jeunes que pour un mal nécessaire (et incompréhensible), ils perdent toute envie de regarder ce qui se faisait sur le Web avant 2006. L’actualité est déjà assez dense pour avoir à s’embêter avec des cours d’histoire.

Des jeunes qui ont du coup toujours les vieux modèles et noms en tête alors qu’ils devraient les laisser mourir (oui, je parle bien des grands journaux, entre autres) parce qu’ils veulent les voir perdurer pour un jour y travailler, ou y continuer.

Ce jeune journaliste sort ou étudie donc dans une école de journalisme. La diversité et l’originalité intellectuelle est donc une gageure de ce milieu qui occupe bien le devant de la scène Web.

Côté vie réelle, la directrice de l’IJBA confiait pourtant aux candidats à l’édition 2009 de leur Koh-Lanta, que seuls 15% des journalistes sortent effectivement d’écoles. Une proportion qui laisse songeur.

Je suis geek avant d’être apprenti-journaliste, donc les récits des jeunes ahuris à l’entrée d’écoles rêvant d’Aubenas et de grande presse me laissent moqueur. Ils veulent devenir journalistes, pas informer par passion. Un tort impardonnable qui les mène à croire tout ce que disent les professeurs sortis de médias vieillissants.

Le personal branding pour éviter de réfléchir

Les jeunes journalistes personal brandant, ce sont les (très) sympathiques et intelligents @StevenJambot, @PaulLarrouturou ou @JeremyJoly. Symptomatique de ce que j’avance, le web docu Link Generation de ce dernier recueille les avis d’autres jeunes journalistes et de vieux de la presse en occultant complètement des mémoires vivantes de l’économie des médias Web comme @EParody.

Intelligents je disais aussi, parce que Jérémy écoute les critiques des râleurs dans mon genre et prend note des propositions pleines de fautes qu’on peut formuler pour compléter cette excellente initiative.

Ils se caractérisent par le culte du personal branding, du lien, du tweet-clash et toutes ces choses qui distrayent en battant des bras dans l’air. En collectionnant les « réflexions » sur trente sujets liés au journalisme, on en arrive à une activité disparate, perdue un peu partout sur la Toile, sans lieu ou moyen de réflexion commun. Alors peut-être qu’ils ont ces discussions en école, mais rien n’en ressort sur le Web. Just for the show, donc.

Pareil pour Owni d’ailleurs, qui malgré un contenu de (haute) qualité et une démarche originale, se concentre uniquement sur le neuf et se prend pour un pionnier lunairiste en arrêtant la frise du Net aux cinq dernières années. Les dix ans précédents passent encore au broyeur de la jeunesse, de l’autopromotion et de la nécessité d’un discours de nouveauté.

Les jeunes journalistes : de l’intelligence mais un spectre limité

Aussi, geek que je suis, je sais que les pure players, ce n’est pas les adulés Rue89, Slate ou Mediapart mais ZDNet, PC INpact, Numerama, Tom’s Guide ou le Journal du Net. Des journaux en ligne qui vivent (bien ou moins bien) de leur production (ou d’activité annexes des groupes qui les supportent) que ces jeunes journalistes ne connaissent pas parce que leurs professeurs, sortis de la vieille presse ou de médias audiovisuels, ne leur en ont jamais parlé.

La presse spécialisée dans les nouvelles technologies est la première à avoir investi le Web, à avoir connu les affres du financement d’un média à une époque où le Web était moins développé et à s’en être (très) bien sortie, au point de pouvoir maintenant étendre ces marques sur divers supports.

Je le sais d’autant mieux depuis mes deux mois chez ZDNet qui fournit un travail d’une très grande qualité (avec des analyses souvent bien moins molles que celle des « grands médias ») et m’a bien ouvert les yeux sur l’état de la « vraie » presse en ligne. Celle des pure players qui a trouvé des modèles éditoriaux et commerciaux assez cohérents pour vivre de leurs écrits depuis plus de dix ans et continuer sur cette voie encore longtemps.

On pourra me rétorquer que ces modèles (adossement à des comparateurs de prix, à des groupes d’audits, marketing direct…) ne sont pas applicables à la presse généraliste. Un bon point qui ne doit pourtant pas faire oublier qu’ils existent et qu’ils peuvent être de bonnes inspirations pour des modèles dérivés.

Donc : OUI, la presse en ligne a un avenir, et un très long passé même. Il faudrait apprendre à le connaître avant de discuter de l’édition « pure Web » comme d’un phénomène émergent. Groumph.

Mon lot de bêtises

Ce billet coup de gueule doit être bourré d’erreurs, d’inexactitudes et d’oublis qui en font tout l’intérêt. Ca vient aussi d’une très profonde frustration face à un discours que je lis tous les jours sur le Web. Discours qui provient de ces jeunes et moins jeunes journalistes, avec leur arrogance de « gens des vrais médias » qui croient que l’édition en ligne, à part eux, se limite aux blogs.

Les commentaires avec du « Tu n’y comprends rien, petit imbécile qui croit tout connaître » sont bien entendu les bienvenus. :)

Open your eyes, bidule de mince.

Parce que je n’écris jamais de billet sans insérer de clip compromettant

Enfin non, mais bon. Un peu de musique bizarre ne devrait pas vous faire de mal. Donc Mind Wall par le géant Towa Tei, c’est parti. Wesh.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

> Article initialement publié sur Irregulier.net ; la réponse de Steven Jambot à ces critiques : faire du concret en Afrique australe

> Illustration CC Flickr par One Laptop per Child

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http://owni.fr/2010/05/31/jeunes-journalistes-arretez-de-penser-comme-des-vieux-cons/feed/ 9
#ijf10: “Nous ne savons pas ce que sera le journalisme dans 12 mois” http://owni.fr/2010/04/26/ijf10-nous-ne-savons-pas-ce-que-sera-le-journalisme-dans-12-mois/ http://owni.fr/2010/04/26/ijf10-nous-ne-savons-pas-ce-que-sera-le-journalisme-dans-12-mois/#comments Mon, 26 Apr 2010 11:01:20 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=13588 Le Huffington Post compte une équipe d’une bonne vingtaine de modérateurs. Il est vrai qu’avec 2,3 millions de commentaires postés par mois, le travail ne manque pas. Josh Young, Social media editor, explique que l’idée principale qui sous-tend son travail est de faire du site “un endroit accueillant [a welcoming place]“.

La logique est la suivante:

“Les internautes lisent les informations pour avoir quelque chose à dire et à discuter dans la journée. Or, aujourd’hui, nous pouvons entendre une partie de cette conversation et nous devons l’accueillir, être le lieu où les gens parlent les uns avec les autres sur les informations”

et… les partagent.

“Nous faisons en sorte qu’ils soient très facile pour les gens de partager leurs histoires [stories] sur Facebook et Twitter.”

Pour autant, il ne faudrait pas croire que tout le monde participe à cette conversation. Seule une minorité le fait —environ 8% d’entre eux— mais elle est l’objet de toutes les attentions. “Qui sont ces personnes?” Les identifier est une partie du travail de Josh Young. Il cherche aussi à valoriser auprès de ses “boss”, les quelques commentaires qui peuvent être qualifiés de véritables “petits articles”.

La proportion est faible: 7 sur 1.000 ont du contenu, mais si l’on prend en considération la masse de commentaires postés sur le site, cela représente quelque 16.000 commentaires “à contenu”, par mois, qui alimenteront à leur tour la conversation. La seule véritable difficulté est “de les mettre à la meilleure place sur le site. C’est un challenge”, reconnaît Josh Young.

Reste la question cruciale de signaler les commentaires “inappropriés”.

“Je dispose certes sur mon ordinateur d’un bouton, commente-t-il, qui me permet d’éliminer ce type de commentaires, mais je ne le fais pas. J’ai constaté qu’un tout petit nombre de personnes —environ 10.000— savaient très bien le faire et ce sans mon intervention. Je me dois d’établir une relation avec ces 10.000 personnes”.

Un travail qui n’est pas rémunéré: “Nous leur offrons la reconnaissance, ajoute-t-il, et il semble que ce soit suffisant.”

De fait, le Huffington Post est devenu, à lui seul un véritable réseau social, où les commentateurs ont des amis, des fans, des followers, utilisent des “boîtes” [box] de couleur différente selon leur “statut”. Une politique qui se justifie explique Megan Garber de la Columbia Journalism Review, “car il existe une compétition aux États-Unis sur les commentaires”.

En Grande-Bretagne, la gestion de la communauté pour un site aussi important que le Daily Telegraph est tout aussi attentive, si l’on en croit Adrian Michaels, foreign editor pour le groupe :

“Lorsque vous avez 10 millions de visiteurs uniques en Grande-Bretagne, 10 millions aux États-Unis, etc., il est important de construire une communauté”.

Et pour lui aussi la communauté passe par la gestion des commentaires, dont il reconnaît qu’ils peuvent être très “rudes” :

“Nous avons un cycle de 24 heures, puisque nous avons 10 millions de visiteurs uniques par mois britanniques, 10 millions aux États-Unis, etc. Or, le ton des commentaires change en fonction de l’heure et reflète les caractéristiques de la population d’un pays. Par exemple, ils sont plus courts et plus brusques, lorsqu’ils sont écrits par les Américains”.

Mais derrière cette approche “communautaire”, c’est en fait un nouveau type de “fabrication de l’information” qui se met en place. Les “utilisateurs” [users], en effet, “exercent un contrôle fantastique” explique Adrian Michael.

Ce sont eux qui vont “distinguer” certains journalistes : “Un de nos journalistes, dit-il, a un demi million de pages vues par mois sur son blog”.

Un succès qui traduit en fait une évolution profonde selon Megan Garber :

“C’est de plus en plus l’individualité qui est reconnue et de moins en moins l’institution et cela pose de nombreuses questions”.

Les réseaux sociaux ont aussi un important impact sur le mode de sélection de l’information. Par exemple, raconte placidement Josh Young:

“un journaliste qui travaille sur les ‘celebrities’ les suivra sur Twitter, car les tweets sont des news! En effet, comme journaliste vous ne serez jamais le premier sur toutes les histoires, en revanche vous serez le premier à réagir. Donc, si nous pensons que ces tweets ne sont pas des fakes, et pour cela nous les vérifions, nous les publions en les contextualisant.”

C’est aussi une nouvelle hiérarchisation de l’information qui se met en place.

“Nous faisons très attention à ce que les gens veulent lire et nous essayons de leur donner les informations qu’ils veulent. Pour cela nous regardons ce qu’ils cherchent sur Google. Par exemple, nous avons constaté que le nombre de requêtes contenant ‘Nick Clegg’ [le leader du parti libéral britannique, qui a fait une forte percée dans les sondages] augmentait. Donc, nous avons fait des articles sur lui”.

C’est enfin, l’abandon d’éléments traditionnellement considérés comme essentiels, comme les titres des articles. “Il y en a peu qui soient si bons que l’on s’en souvienne”, argumente Josh Young, pour qui l’évolution actuelle est loin d’être finie:

“Nous ne savons ce que sera le journalisme dans 12 ou 16 mois, alors nous devons faire des expériences”.

Notes prises au cours du débat “Quelque chose sur quoi parler” (Something to talk about)
mardi 21 avril 2010
avec Adrian Michaels, foreign editor, Telegraph Media Group
Marco Pratellesi, editor Corriere della Sera online
Josh Young, social media editor The Huffington Post
animé par Megan Garber et Justin Peters de la Columbia Journalism Review online

> Marc Mentré tient le blog The Media Trend

> Illustrations par duncan sur Flickr

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http://owni.fr/2010/04/26/ijf10-nous-ne-savons-pas-ce-que-sera-le-journalisme-dans-12-mois/feed/ 6
Une réponse parmi d’autres, trop rares, à la crise des médias ? http://owni.fr/2010/04/23/owni-une-reponse-parmi-d%e2%80%99autres-trop-rares-a-la-crise-des-medias/ http://owni.fr/2010/04/23/owni-une-reponse-parmi-d%e2%80%99autres-trop-rares-a-la-crise-des-medias/#comments Fri, 23 Apr 2010 10:23:51 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=13065 Le plan de vol de la soucoupe

Alors que le moindre battement d’ailes d’un papillon dans les médias américains induit une réaction quasi immédiate  en France comme ailleurs dans le monde, la compénétration entre sphères publiques européennes reste quasi nulle.

OWNI vise à se faire l’écho du meilleur des informations et des idées sur l’ère numérique en provenance de nos voisins européens. Pour ce faire, dans un premier temps, un réseau de vigies européennes sera constitué. A l’horizon 2011, une version anglaise d’OWNI sera lancée , parallèlement à un déploiement européen et international d’OWNI ; ceci notamment à l’aide de partenariats d’ampleur transfrontalière (cf. interview d’Adriano Farano).

Laboratoire du journalisme innovant, OWNI se doit d’être à la pointe de l’expérimentation en matière de datajournalism, une nouvelle façon de présenter l’information à l’aide de visualisations, d’infographies dynamiques, de journalisme de base de données et d’outils interactifs.

Fort de ses équipes, OWNI a déjà fait montre de ses capacités en matière de datajournalism: une carte de la vidéosurveillance dans le cadre des Etats Généraux de la Sécurité à l’école ou encore un outil de géolocalisation des bureaux de vote à l’occasion des Régionales 2010.

En préparation : visualisation des données sur les établissements carcéraux, carte des flux migratoires en Europe, visualisations autour du parc éolien français ou du G20, ou encore représentation graphique et interrogeable de la place des médias classiques dans le web social.

Dans le même sillage, OWNI vise également à expérimenter des nouvelles formes de journalisme, en particulier avec le “journalisme de liens”. Lancé aux États-Unis avec des “success stories” telles que The Drudge Report, le “linkjournalism” consiste en une sélection de liens pertinents sélectionnés avec soin pour un public donné.

Dans les projets d’OWNI figure notamment le lancement d’une LinkTV, une web TV basée sur des liens de vidéos de qualité hébergées entre autres sur YouTube ou Dailymotion. Ceci fait suite aux expérimentations menées depuis deux an notamment avec Aaaliens (agrégateur de liens fédérant certains des veilleurs les plus réputés du web social francophone).

Pour porter son projet éditorial, OWNI se constitue en pôle non-profit, composé d’une association, OWNIeditors, et d’un fonds de dotation, OWNIpedia, qui financera d’autres projets innovants dans l’écosystème de l’information.

Les valeurs intrinsèques d’OWNI s’inscrivent dans l’un des principes fondamentaux de la démocratie française: l’accès des citoyens à la culture et au savoir comme véritable extension du droit social. Cette notion d’intérêt général a été fondée par le Conseil National de la Résistance selon lequel, pour pouvoir participer pleinement à la démocratie et faire des choix réfléchis et informés, les citoyens doivent acquérir un minimum d’éducation et de savoir.

Valeurs et outils, deux notions inextricables

Né en avril 2009 en France lors de la bataille contre la loi Hadopi, OWNI est engagé pour les libertés numériques et vise à faciliter un débat public constructif, critique et technophile. Fort d’un réseau de 500 contributeurs, auteurs, professionnels, chercheurs, journalistes, entrepreneurs et d’internautes actifs, l’objectif d’OWNI – média, réseau social et plateforme de publication – est d’offrir le meilleur de l’information et du débat sur l’évolution de la société numérique en France et en Europe.

OWNI raconte et analyse l’impact d’Internet sur la société, les pouvoirs et les cultures. La publication met en scène au quotidien ses contenus à la destination gracieuse du plus grand nombre, et grâce à la bonne volonté de notre communauté d’auteurs. Celle-ci accepte de publier ses articles sous licence Creative Commons, permettant ainsi aux idées de circuler le plus possible.

Ces valeurs, nous tentons au quotidien de les défendre en permettant à chaque internaute, d’obtenir une information claire, identifiée et gratuite pour comprendre la mutation du monde qui nous entoure.

OWNI est développé en open source (en logiciel libre) dans l’environnement Wordpress (WorpressMu + BuddyPress), “Content Managing System” qui est la première plateforme de publication dans le monde. Ceci est un choix stratégique fondamental qui participe de la philosophie de notre média, en adéquation directe avec les valeurs de l’Internet que nous défendons (partage, collaboration, transparence, ouverture), mais c’est également un avantage en termes de recherche et développement collaboratifs considérable.

Enfin, et c’est un point clef, l’environnement de travail, le code, les services, les applications tierces, sont en permanence mis à jour et testés par des millions d’utilisateurs dans le monde. La communauté de développeurs Wordpress est très dense, très active (bien plus que toute autre communauté autour d’une plateforme de publication en logiciel libre comme Drupal). Automatic, société qui pilote et exploite le code de Wordpress (à l’adresse wordpress.com et en fournissant des solutions professionnelles dédiées) fait évoluer de façon organisée et pérenne l’écosystème de bénévoles, d’entrepreneurs du web et de passionnés qui gravitent autour de sa solution, sans échange marchand systématique entre ses membres (cf. l’adresse wordpress.org).

Les repères économiques usuels s’effondrent

Dans un monde en perpétuel changement, en crise globale et identitaire, les repères économiques usuels s’effondrent.

Les acteurs économiques doivent repenser leurs modèles, en se transformant. L’alliance entre le profit et le non-profit répond aujourd’hui à cette problématique. Le commerce équitable en est la preuve flagrante. Avec 2 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires net global en 2007, 79 000 points de ventes dont 55 000 supermarchés, et une croissance annuelle de 20%, le commerce équitable est le marché qui connaît la croissance la plus rapide du monde. Ce succès est du à l’association du secteur économique (fabricants et distributeurs) avec le secteur non lucratif (associations, fondations), qui répondent tous deux au besoin essentiel des clients d’aujourd’hui : vivre dans un monde meilleur. Ainsi, les entreprises conservent leurs marges et leurs rentabilités tout en aidant 1,5 million de paysans dans le monde.

Dans le secteur des médias, l’hyper abondance de l’information, et notamment numérique, a provoqué un effondrement des recettes publicitaires perçues par chacun des acteurs. Cette situation entraîne la nécessité de repenser le rôle de médiateur culturel.

C’est ce qu’à fait le milliardaire américain Herbet M. Sandler avec le média web ProPublica qu’il a doté d’un budget annuel de 10 millions de  dollars. Pilotée par l’ancien directeur de la rédaction du Wall Street Journal, la rédaction produit des sujets d’investigation qui sont diffusés soit en partenariat avec d’autres médias (dont le New York Times), soit directement sur son site web. Leur production est financée par le non-profit via des mécènes qui donnent en moyenne 66 000 euros. Ainsi, la rentabilité du média est assurée tout en délivrant une information claire et objective au plus grand nombre.

Ce modèle profit/non-profit vient d’être récompensé en avril 2010 par un Prix Pulitzer remis à une enquête publiée sur ProPublica.

L’attrait profit/non-profit permet en outre de créer des synergies fiscales grâce, en particulier, aux mécaniques de donations. Lancée en 2007 par Jean-François Daniel (disclaimer: Jean-François Daniel fut un partenaire actif d’OWNI) l’opération “La Rose Marie Claire” en France est un exemple concret de ce type de synergie. En vendant une rose dont la moitié du prix de vente est reversée à des associations qui scolarisent les jeunes filles défavorisées, les entreprises bénéficient d’une réduction fiscale de leur impôt sociétés sur la partie du prix qui est reversée et augmentent leur chiffre d’affaires grâce au trafic supplémentaire généré par l’attrait du non-profit (augmentation de 20% du trafic dans les points de vente), sans compter l’image qu’elles donnent ainsi à leurs clients.

Dans le cas d’OWNI, la synergie profit/non-profit se traduit [maj : aurait pu se traduire] par la création de l’association OWNIeditors qui prendra dorénavant en charge le développement éditorial du média social OWNI, jusqu’ici piloté par 22mars. Ceci se fait en restant dans le même écosystème et avec une totale continuité – 22mars est fondateur d’OWNIeditors et a associé à son capital l’ensemble de l’équipe éditoriale (Guillaume Ledit, Sabine Blanc, Adriano Farano, Nicolas Kayser Bril) en plus des développeurs (Tom Wersinger, Aurélien Fache) et de notre maître es-design, Loguy aka Logule. Cette prise en charge est permise dans un premier temps par l’octroi d’un prêt à taux zéro de 250 000 euros à l’association, puis par le développement des recettes non-profit : dons, mécénat et subventions.

Ce dispositif permettra l’essor du projet éditorial d’OWNI. La nouvelle version du site en est l’une des incarnations. En beta permanente, la soucoupe est un phalanstère, un lieu d’expérimentation afin de permettre une information qui serve l’intérêt général et permette une meilleur compréhension des cultures liées à l’essor de ce nouveau corps social qu’est le web, devenu véritablement “social”.

Notre stratégie – et les mois, voir les années, de travail que cela a nécessité – est une réponse parmi d’autres, trop rares, à la crise des médias. Cet écosystème est celui d’une économie qui précède puis que permet une stratégie médiatique d’intérêt public, menée par des artisans. Ces artisans en lien social sont la “dream team” que le temps et l’exigence nous ont permis de réunir.

Un éditeur ne saurait avoir d’autre chemin que celui de “prendre soin”. Et de sublimer.

Ils nous ont également aidé sur ce chemin : Pierre Bilger, Eric Scherer, Pierre Bellanger, Jacques Rosselin, Jean-Christophe Feraud, Jean-Marc Manhack, Olivier Missir, Sébastien Ravut, Remi Vincent, Pierre Romera, Isabelle Mirri (…)

Voir aussi The Flying Saucer’s Flight Plan, en anglais.

MAJ : Dissocier l’actif et les équipes ? Nous n’avons pas retenu cette hypothèse. Par contre le modèle mixte “profit / non-profit” est au coeur de l’économie d’OWNI. Suivez les Editos mensuels, ils content notre histoire ;-)

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La presse hexagonale regarde passer l’innovation technologique http://owni.fr/2010/01/26/la-presse-hexagonale-regarde-passer-linnovation-technologique/ http://owni.fr/2010/01/26/la-presse-hexagonale-regarde-passer-linnovation-technologique/#comments Tue, 26 Jan 2010 18:34:22 +0000 Admin http://owni.fr/?p=7263

Les dirigeants de “la presse en crise” devraient tressaillir de joie en apprenant que Steve Jobs, patron d’Apple, se propose de “reconfigurer le modèle économique de l’édition, de l’information et de la vidéo” (Source: Wall Street Journal du 21 janvier)

Steve Jobs fait allusion à la mise au point et à la présentation imminente d’une tablette électronique susceptible d’accueillir toutes sortes de contenus numériques, à usage familial et scolaire, principalement mais pas uniquement.

L’objet entre en compétition frontale avec le lecteur électronique Kindle d’Amazon. Amazon a noué des partenariats avec des éditeurs de livres. Apple est en négociation avec d’autres éditeurs et avec de grands groupes de presse, dont celui de Ruppert Murdoch – le magnat qui veut en finir avec le “tout est gratuit” sur le web – et celui du New York Times. Amazon vient d’annoncer- ce jeudi soir heure française – que son Kindle va être rapidement amélioré afin de s’ouvrir à une plus grande diversité de contenus,, réponse directe à l’annonce de Steve Jobs.

La bagarre technologique sera âpre, comme le furent les affrontements sur les protocoles, les normes, les formats, les standards liés à chaque grande innovation technologique. Puis les surenchères s’atténueront. Les innovations se stabiliseront. Les usagers désigneront les meilleurs produits, les meilleurs services.

S’agissant des tablettes et des lecteurs, il y en aura peut-être deux types de produits, correspondant à des usages différents.

En attendant l’issue de la confrontation entre Amazon et Apple, les lecteurs électroniques se vendent plutôt bien aux Etats-Unis. Ils suscitent en France le même scepticisme que celui d’un premier ministre, devenu blogueur par la suite et qui avait décrété, en 1997, que le web n’était qu’une mode américaine passagère. Face aux lecteurs et tablettes électroniques, “Gadgets !”, gloussent les sceptiques de ce côté-ci de l’Atlantique.

Vision et agilité

Mais, justement, Apple ne fait pas dans le gadget. Son patron, Steve Jobs, est un monsieur qui a transformé une firme moribonde en premier distributeur mondial de musique et en acteur décisif de la téléphonie mobile, tout en continuant à concevoir des ordinateurs très performants.
Agilité industrielle par compréhension de ce que les usagers attendent.
Steve Jobs, c’est surtout quelqu’un qui a ce qui manque le plus aux managers produits par la consanguinité du capitalisme franchouillard: une vision stratégique.
Il positionne la créativité de son entreprise entre les producteurs de contenus à forte valeur ajoutée et les usagers prêts à payer cette valeur ajoutée, pourvu que ce ne soit pas trop cher et simple, “convenient”.
Ce positionnement, c’est exactement ce qui manque à “la presse en crise” pour sortir du marasme où elle s’est enfoncée toute seule.

Comme des bovins près d’une voie ferrée

Depuis les débuts de la numérisation massive, les industries françaises de contenus – musique, presse, édition, vidéo – regardent passer les innovations en ruminant de l’anti-américanisme primaire et en gémissant sur l’indifférence que les audiences – le peuple, en somme – osent manifester à l’égard de leur offre fade et monotone.
Elles ont contribué au torpillage du réseau français Cyclades qui, en 1978, intéressait énormément les pionniers américains d’internet (1).
Elles n’ont pas vu arriver le CD audio, donc le DVD, preuves palpables que tout est numérisable.
Elles n’ont pas vu arriver l’ADSL.
Elles n’ont pas vu arriver le MP3.
Elles n’ont rien compris à Napster.
Elles n’ont pas vu arriver Google.
Elles n’ont pas vu arriver Youtube.
Elles ne voient pas ce qu’auraient pu leur apporter les lecteurs et tablettes électroniques.

Le_paradis_des_medias.jpg

Et pendant que des journalistes twitteurs twittent leurs insignifiances rabougries (2), leurs patrons ineptes mendient des subventions au pouvoir politique en place.
Seuls les jeunes et futurs journalistes peuvent régénérer l’information franchouillarde en s’assurant la maîtrise des outils et des méthodes pour valoriser les contenus, donc leur travail.
Voir sur ce thème:
- La crise des quotidiens est parfaitement logique.
- Phénomènes émergents dans la consommation de l’information.

1) En 1978-79, une délégation représentant les pionniers américains d’internet est venue rencontrer en France Louis Pouzin qui avait mis au point le réseau “Cyclades” de communication par paquets, dispositif qui était en avance sur certaines technologies américaines de l’époque. Le but était d’avancer ensemble.
Je tiens de Vinton Cerf, un des cinq créateurs d’internet, une version de cette tentative de collaboration transatlantique pour accélérer l’émergence du réseau des réseaux.
Mais, durant cette période, le pouvoir politique incarné par Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre et Norbert Segard, ministre des Postes et des Télécommunications, a décidé de saborder le réseau “Cyclades” pour ne pas permettre à un réseau décentralisé – c’est à dire peu contrôlable – de diffuser des contenus qui auraient pu porter préjudice à la presse écrite.
Je tiens cette explications de deux anciens cadres supérieurs de la DGT (Direction Générale des Télécommunications) qui m’ont précisé ceci: “Le pouvoir tenait à rester en bons termes avec la presse nationale et régionale entre les législatives de 1978 et l’élection présidentielle de 1981″. Voilà pourquoi les Français se sont vus infliger le minitel, système insupportable mais centralisé, donc contrôlable.

2) J’attends le tweet de mon journaliste twitteur préféré: “ya séisme en Haïti Oh lalalala” (Voir le billet du 6 janvier)

» Article initialement publié et commenté sur Journalistiques ]]> http://owni.fr/2010/01/26/la-presse-hexagonale-regarde-passer-linnovation-technologique/feed/ 1